La Cour suprême des États-Unis a accordé mercredi une large victoire aux couples homosexuels, en invalidant une loi fédérale qui définit le mariage entre un homme et une femme et en permettant de facto aux homosexuels de se marier à nouveau en Californie.

Dans deux décisions distinctes, prises par cinq juges contre quatre, la haute Cour a notamment permis aux homosexuels légalement mariés, ce qui est aujourd'hui possible dans 13 États sur 50, d'obtenir les mêmes droits que les couples hétérosexuels.

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Elle s'est en revanche gardée de légaliser le mariage gai à l'échelle du pays, ou dans les huit autres États qui disposent de l'union civile comme la Californie.

Sur le parvis du temple de la justice, une foule d'un millier de personnes, en majorité en faveur du mariage gai, réunie sous un soleil de plomb et brandissant des drapeaux arc-en-ciel, s'est réjouie par des cris et en échangeant des baisers à l'annonce des décisions.

«Il était temps», a lancé Amanda Werner, 24 ans, une bisexuelle venue de Californie. «C'est une grande émotion».

Amanda Manolo, 19 ans, étudiante à Los Angeles, s'est félicitée que «les gens pourront bénéficier des aides fédérales» normalement allouées aux couples mariés.

«On est en train d'adopter et on va pouvoir apporter à notre famille toute la stabilité nécessaire», a expliqué de son côté Olivier, un Français marié à un Américain depuis trois ans à Washington, ville qui permet déjà l'union entre homosexuels.

Dans une décision très attendue, depuis l'audience des 26 et 27 mars, la haute Cour a commencé par trancher sur la loi, datant de 1996, de «défense du mariage» (DOMA) qui est défini comme l'union entre un homme et une femme. Elle est «anticonstitutionnelle, car elle représente une privation de l'accès à la liberté des personnes qui est protégé par le 5e amendement», a jugé la Cour, se rangeant à l'avis de l'administration Obama, qui en avait réclamé son abrogation.

«DOMA ne peut pas survivre selon ces principes» qui violent la clause constitutionnelle de protection de l'égalité, a ajouté le juge Anthony Kennedy, pour la majorité de la haute Cour.

C'est une veuve homosexuelle de New York, Edith Windsor, soutenue par l'administration Obama, qui avait porté l'affaire devant la plus haute juridiction du pays. Elle réclamait que cette loi fédérale, dite DOMA, soit invalidée, car discriminatoire.

Cette octogénaire s'était vu réclamer 363 000 $ de droits de succession à la mort de la femme qu'elle avait épousée légalement, car la DOMA lui interdisait de bénéficier du même régime fiscal que le dernier survivant d'un couple hétérosexuel.

La décision a été lue par le juge Anthony Kennedy, nommé par un président républicain qui a voté ici avec les quatre juges progressistes. Le président de la Cour suprême John Roberts et ses trois autres collègues conservateurs ont voté contre.

Sur le deuxième recours, qui concernait le mariage gai en Californie, c'est le juge Roberts qui a lu la décision au nom de l'ultra-conservateur Antonin Scalia et de trois progressistes.

Dans ce cas, la majorité a refusé de se prononcer, estimant que la plainte de militants contre le mariage gai en Californie n'était pas recevable, le rendant de nouveau possible dans cet État de la côte ouest.

En Californie, où le mariage gai a été brièvement autorisé en 2008, son interdiction avait été inscrite dans la Constitution (dans la proposition 8) qui a été ensuite jugée anticonstitutionnelle, avant d'être à nouveau validée sur un recours de ce groupe de militants antigai. En déclarant cette plainte irrecevable, le plus haut tribunal du pays annule l'interdiction, renvoit l'affaire devant la justice inférieure, mais permet, dans l'intervalle d'un nouveau jugement, que les homosexuels se marient à nouveau.

«C'est un jour magnifique pour l'Amérique», s'est félicité l'avocat David Boies qui défendait le dossier devant la haute Cour pour deux couples homosexuels californiens. «Nous avons maintenant fait faire à notre pays un pas important pour garantir la promesse de notre Constitution et de notre déclaration d'indépendance que tous les hommes sont créés égaux».

Le président Barack Obama a salué les décisions rendues par la Cour suprême.

Les mêmes droits pour les époux des militaires gais

Les époux de militaires homosexuels vont disposer des mêmes droits et prestations que les conjoints mariés hétérosexuels, a annoncé mercredi le secrétaire américain à la Défense Chuck Hagel, réagissant à l'invalidation de la loi sur la définition du mariage.

«Le département de la Défense compte offrir dès que possible les mêmes prestations à tous les époux de militaires, quelle que soit leur orientation sexuelle», a affirmé dans un communiqué le patron du Pentagone, selon qui le ministère va s'y atteler «immédiatement».

Depuis l'abrogation du tabou gai dans l'armée en septembre 2011, qui obligeait les militaires gais et lesbiennes à dissimuler leur homosexualité sous peine de renvoi, le Pentagone a décidé d'ouvrir en février certaines prestations sociales aux époux de même sexe.

Parmi celles-ci figurent l'autorisation d'absence en cas d'urgence, la possibilité pour deux partenaires homosexuels et militaires d'être basés au même endroit ou encore une indemnisation en cas de décès ou d'infirmité du conjoint.

Mais certaines prestations, comme l'assurance maladie ou les allocations de logement, n'étaient toujours pas applicables aux partenaires de même sexe, car l'État fédéral, en vertu de la loi de 1996 dite de «défense du mariage» (DOMA), définissait le mariage comme l'union d'un homme et d'une femme.

«Toute personne qui sert notre pays sous les drapeaux a fait état de son courage et de son engagement. Tout ce qui importe est son patriotisme, son désir de servir le pays et ses qualifications pour le faire», estime Chuck Hagel.

Le Pentagone estime la population concernée par l'invalidation de la loi DOMA à environ 5600 personnes d'active, 17 000 en y incluant la garde nationale, la réserve et les retraités.