Les révélations sur le programme américain de surveillance électronique par un consultant informatique de 29 ans mettent en lumière les risques auxquels s'expose l'administration américaine en sous-traitant au privé une importante partie de son travail de renseignement.

De l'analyse d'informations à l'entraînement d'espions, beaucoup des métiers habituellement exercés par des salariés du secteur public sont désormais confiés à des entreprises.

Edward Snowden fait partie de cette armée de salariés du privé qui représentent aujourd'hui 30% du personnel du renseignement américain, et dont le nombre a singulièrement augmenté depuis les attentats du 11-Septembre.

Cette sous-traitance de tâches dévolues auparavant au Pentagone et aux agences de renseignement a été souvent critiquée pour son coût et les risques de corruption. Elle expose aussi les agences à des risques accrus en matière de sécurité.

Ces employés en sous-traitance qui portent le «badge vert» pour entrer dans les bureaux du gouvernement n'ont pas toujours l'éthique ou la discrétion des agents traditionnels qui portent le «badge bleu», note John Schindler, un ancien analyste à l'Agence nationale de sécurité (NSA).

Dans une série de tweets, M. Schindler, qui enseigne maintenant au Naval War College, a critiqué Snowden pour avoir révélé des pans entiers des programmes de surveillance de la NSA.

Mais il affirme ne pas être surpris que le source porte un «badge vert», plaidant pour que les métiers de haute technologie qui touchent à des informations sensibles ne soient pas sous-traités.

«J'ai dis longtemps à mes équipes que la NSA et les services de renseignement n'ont besoin que d'un seul type mécontent et inadapté (travaillant pour des sous-traitants en informatiques) pour qu'on frôle la catastrophe», souligne-t-il.

«Employés à code»

Les administrateurs des systèmes (informatiques) du XXIe siècle sont l'équivalent de ceux qu'on appelait, pendant la Guerre Froide, les «employés à codes», qui n'avaient pas un rang élevé ou n'étaient pas des espions mais qui avaient accès à des informations cruciales.

La plupart des sous-traitants sont d'anciens espions ou militaires, à l'instar du directeur du renseignement américain James Clapper, qui a travaillé lui aussi pour Booz Allen Hamilton, comme Edward Snowden, ou de son prédécesseur Michael McConnell.

L'ancien patron de la CIA et du Pentagone, Robert Gates, qui a gravi tous les échelons de l'agence de renseignements, avait déjà dit son inquiétude du fait que trop de dossiers sensibles soient traités par des sociétés privées.

«Vous voulez quelqu'un qui est vraiment là pour faire carrière, parce qu'il est passionné et parce qu'il fait attention à son pays, et qu'il n'est pas seulement là pour l'argent», avait-il déclaré au Washington Post en 2010.

Mais les risques viennent peut-être moins de la sous-traitance que d'une génération plus jeune et plus défiante à l'égard des politiques, remarque James Lewis, un ancien haut responsable américain, expert en sécurité informatique au Centre d'études internationales et stratégiques (CSIS).

«Les gens qui ne travaillent pas pour le gouvernement depuis longtemps, qui ont une image du pouvoir façonnée par la culture populaire ont sans doute plus enclins à faire cela», estime M. Lewis

D'autres experts soulignent qu'à l'ère numérique toute personne en charge de sécuriser les systèmes informatiques d'une institution a le pouvoir potentiel de provoquer une catastrophe.