Pouvoir mettre les internautes sur écoute est la grande priorité du FBI et des autorités américaines, qui redoublent d'efforts pour s'en donner les moyens malgré la résistance de l'industrie des nouvelles technologies et de groupes de défense des libertés civiles.

Andrew Weissmann, à la tête du département juridique du FBI, a ainsi affirmé lors d'une conférence récente à Washington que l'élargissement des pouvoirs de la police dans ce domaine était une «top priorité cette année».

«Les moyens par lesquels nous communiquons aujourd'hui ne sont pas limités aux entreprises de téléphonie», a-t-il fait observer, plaidant pour des pouvoirs de surveillance accrus par exemple de «Gmail, Google voice (et) Dropbox (un service d'hébergement de fichiers en ligne, NDLR)».

Avec les lois actuelles, la police fédérale peut déjà obtenir un mandat judiciaire pour accéder à des communications en ligne. Les grandes entreprises comme Google et Microsoft sont en général en mesure d'y répondre, mais le spectre n'est pas assez large et de nombreuses autres sociétés n'ont pas les moyens ou les capacités techniques d'une «mise sur écoute».

Dans les cas où une surveillance comme les écoutes téléphoniques permettrait d'obtenir des informations cruciales, les autorités se retrouvent aveuglées par l'opacité de la Toile.

Le président Barack Obama a déclaré le 23 mai que son administration «réévaluait les pouvoirs des forces de police, afin de pouvoir intercepter de nouveaux types de communications».

La proposition en cours d'élaboration, selon certaines informations des médias, exigerait des entreprises informatiques qu'elles permettent l'accès du gouvernement aux communications sous peine de lourdes amendes.

Mais la simple évocation d'une intrusion dans ce domaine a entraîné une levée de boucliers, motivée par des craintes multiples.

Porte dérobée

D'abord, pour le secteur des technologies, un tel accès créerait une faille du point de vue de la sécurité des utilisateurs.

«Cela crée une vulnérabilité intentionnelle à la sécurité qu'ils espèrent n'être exploitée que par les bonnes personnes. Mais nous savons que les individus mal intentionnés s'en servent aussi», note ainsi Joseph Hall, expert au Centre pour la démocratie et la technologie (CDT).

Cette organisation a publié un rapport récemment soutenu par une vingtaine de scientifiques. Parmi eux, Edward Felton, spécialiste en informatique de l'Université Princeton, craint que cet accès «facilite l'accès des pirates aux mêmes informations que celles recherchées par les autorités».

La possibilité de mandater des «cyberécoutes» sur de vastes champs de communications sur l'internet fera du tort aux «citoyens normaux qui respectent la loi», les rendant vulnérables, «tout en permettant à des criminels et des terroristes de désactiver ces écoutes ou d'utiliser des produits plus sécurisés venant d'autres pays», fait valoir Bruce Schneier, autre expert en sécurité informatique.

Les fabricants de technologies s'insurgent aussi des coûts, et des conséquences sur le plan de leur compétitivité, qu'impliquerait pour eux cette nouvelle loi.

Joseph Hall explique ainsi que de nouveaux coûts pèseraient sur les groupes haute technologie, car les autorités auraient besoin des clés qui permettent l'encodage des systèmes informatiques et exigeraient que les logiciels et programmes soient conçus avec une «porte dérobée», c'est-à-dire un accès secret inconnu de l'utilisateur légitime, mais que d'autres parties pourraient s'octroyer.

Ces contraintes porteraient un coup à l'innovation, avance le secteur.

Michael Beckerman, lobbyiste à l'Internet Association, estime que ce projet, qui n'est pas même rendu public, est déjà «fondamentalement défectueux».

Et aux yeux de Joseph Hall, du CDT, la solution existe déjà. «Il est peut-être temps d'utiliser plus intelligemment les montagnes d'informations que le FBI collecte déjà, plutôt que d'essayer d'en obtenir davantage», tranche-t-il.