Deux jours après le début de la controverse autour de la saisie par la justice de relevés téléphoniques de l'agence Associated Press, la Maison-Blanche a cherché mercredi à reprendre l'initiative en annonçant un projet de loi de protection des sources des journalistes.

Assailli de tous bords, par ses alliés démocrates comme ses adversaires républicains, le président Barack Obama n'a pas tardé à réagir, alors que son administration est au centre de deux autres controverses, l'une sur un ciblage de groupes conservateurs par le fisc, et l'autre, alimentée par les républicains, sur l'attaque du consulat de Benghazi, en Libye, en septembre 2012.

Si le projet de loi, déposé bientôt au Sénat et qui devra être adopté en termes identiques à la Chambre des représentants, était voté, il inscrirait dans le marbre de la loi fédérale que les journalistes et leurs employeurs ont le droit de ne pas révéler le nom des sources à qui la confidentialité a été promise.

Actuellement, les journalistes ne sont protégés par un tel «bouclier» que dans 40 États américains, selon l'association de défense des libertés individuelles ACLU, et seules quelques cours fédérales ont une jurisprudence similaire.

Le texte créerait «un cadre légal pour déterminer les circonstances limitées» dans lesquelles la justice pourrait exiger la révélation de ces sources, selon un document préparé par le sénateur démocrate Charles Schumer.

Aucun privilège «ABSOLU» (avec majuscules dans le texte) ne serait accordé aux journalistes, mais l'État fédéral devra argumenter devant un juge de la nécessité d'obtenir l'information. Celui-ci devra peser l'intérêt du public à révéler la source contre celui de protéger le travail de la presse.

Seuls les cas où l'information menacerait la «sécurité nationale» ou serait susceptible d'empêcher un attentat terroriste feraient exceptions.

Critères trop larges

Mais pour Gabe Rottman, de l'ACLU, ces exceptions donnent trop de latitude au gouvernement et n'auraient pas forcément empêché la saisie des relevés d'AP.

Selon lui, il faudrait que la loi «requière que la menace pour la sécurité nationale soit très, très grave». «Il faudrait montrer que la menace est imminente et réelle avant de forcer les journalistes à révéler leurs sources. Ce seuil est nécessaire», dit-il à l'AFP.

Dans l'affaire AP, «au minimum, notre loi aurait mis en place un processus plus juste et plus délibéré», a quant à lui déclaré Charles Schumer.

«Le président soutient depuis longtemps une loi sur la protection des sources, quand il était au Sénat, pendant la campagne de 2008 et en tant que président», a expliqué Jay Carney, porte-parole de la Maison Blanche, qui subissait mercredi son deuxième jour d'interrogatoire musclé par la presse.

Associated Press a annoncé lundi, pour s'en indigner, que des relevés de 20 de ses lignes téléphoniques, à Washington et New York, utilisées par une centaine de journalistes sur une période de deux mois, avaient été saisis à la demande du parquet fédéral, suscitant l'émotion des défenseurs de la liberté de la presse.

L'administration Obama a justifié cette saisie par un cas de force majeure qui «mettait les Américains en danger».

Selon AP, l'enquête qui a justifié cette saisie concerne un article sur une «opération de la CIA au Yémen qui a empêché au printemps 2012 un complot d'Al-Qaïda visant à faire exploser une bombe dans un avion pour les États-Unis».

Plus d'une cinquantaine de groupes de médias américains ont protesté contre cette saisie jugée «excessive» et sans précédent. La présidente du Club national de la presse, Angela Greiling Keane, a parlé d'une «violation répugnante de la liberté de la presse».

Les éditoriaux scandalisés ont fleuri, y compris dans les colonnes du New York Times.

«Ce gouvernement était censé être d'une transparence sans précédent... À la place, nous avons un gouvernement d'une opacité sans précédent et responsable d'attaques sans précédent de la presse libre», y a écrit l'éditorialiste Margaret Sullivan.