Prenez le scandale du Watergate sous Richard Nixon, ajoutez l'affaire Iran-Contra sous Ronald Reagan et multipliez par 10: voilà comment le représentant républicain de l'Iowa Steve King calcule la gravité de l'affaire Benghazi sous Barack Obama.

L'affaire Benghazi? Pour faire court, rappelons qu'elle concerne les actions de l'administration démocrate avant, pendant et après l'attaque contre la mission américaine de cette ville libyenne, qui a coûté la vie à quatre Américains, dont l'ambassadeur Chris Stevens, le 11 septembre 2012.

Huit mois et une élection présidentielle plus tard, cette affaire resurgit à Washington, poussant certains républicains à évoquer la démission ou la destitution de Barack Obama. «Ce président ne terminera pas son mandat», a déclaré Mike Huckabee, ancien gouverneur de l'Arkansas et animateur de Fox News, à la veille de la neuvième audition du Congrès sur l'attaque de Benghazi, tenue mercredi dernier.

«Les gens commenceront peut-être à utiliser le mot impeachment avant longtemps», a déclaré de son côté le sénateur républicain de l'Oklahoma James Inhofe, en parlant de la procédure de destitution des présidents américains.

Démission? Impeachment? Décidément, les républicains n'entendent pas à rire. Mais Barack Obama n'est pas le seul à se retrouver aujourd'hui dans leur collimateur en raison de l'affaire Benghazi. Son ancienne secrétaire d'État Hillary Clinton a en fait été l'objet des plus nombreuses critiques la semaine dernière à la suite du témoignage au Congrès de Gregory Hicks, ancien numéro deux de l'ambassade américaine à Tripoli.

«Première question à Hillary Clinton: où étaient les Marines? C'était inexcusable, c'était un manquement au devoir, et cela devrait l'empêcher d'occuper une plus haute fonction», a déclaré le sénateur républicain du Kentucky Rand Paul lors d'un discours en Iowa, vendredi soir.

Le fils de l'ancien candidat présidentiel Ron Paul formulait ainsi une critique populaire au sein de son parti concernant l'attaque de Benghazi: l'administration Obama n'a pas fait tout ce qui était en son pouvoir, avant et pendant l'attentat, pour protéger les Américains qui se trouvaient dans le bâtiment diplomatique.

Évidemment, en tant que secrétaire d'État, Hillary Clinton n'était pas responsable du déploiement des Marines à Benghazi. Le reproche que lui adresse Rand Paul constitue donc un bel exemple de la politisation de l'affaire Benghazi. Le sénateur du Kentucky songe à briguer la présidence en 2016. Et il se trouve aujourd'hui à attaquer la démocrate qui serait sans doute l'adversaire la plus redoutable.

American Crossroads, un Super PAC (comité d'action politique) fondé par le stratège républicain Karl Rove, a donné un autre exemple de la politisation de l'affaire Benghazi. Au lendemain du témoignage de Gregory Hicks au Congrès, le Super PAC a diffusé sur l'internet une publicité accusant ni plus ni moins Hillary Clinton d'avoir participé à un «camouflage».

La secrétaire d'État aurait ainsi cherché à cacher le fait que l'ambassadeur Stevens et ses trois compatriotes avaient été tués par des militants d'Ansar al-Sharia, un groupe libyen lié à Al-Qaïda, dans le cadre d'une attaque préméditée.

Selon les républicains, la chaîne ABC a étayé la thèse du camouflage jeudi matin en rendant publics des courriels de l'administration Obama. On y apprend notamment que la porte-parole du département d'État, Victoria Nuland, a obtenu que la première version de l'attaque présentée par les renseignements américains soit expurgée afin d'en éliminer toute référence à Ansar al-Sharia et aux alertes préalables de la CIA concernant ce groupe.

«Car cela pourrait être utilisé par des membres du Congrès pour attaquer le département d'État en l'accusant d'avoir ignoré les mises en garde», a écrit Nuland.

Toujours selon les républicains, la Maison-Blanche aurait participé à ce camouflage pour permettre au président de continuer à faire campagne en tant que tombeur d'Al-Qaïda. Ce camouflage, soit dit en passant, n'aura duré que quelques jours.

Il faut sans doute avoir beaucoup d'imagination pour voir dans cette affaire un scandale à la Watergate. D'autant plus que les républicains ont eux-mêmes leur part de responsabilité dans la tragédie de Benghazi, puisqu'ils ont voté en faveur de la réduction des budgets consacrés à la sécurité des missions diplomatiques.

Sans compter qu'ils n'ont pas songé à enquêter sur une seule des 64 attaques perpétrées contre des missions américaines sous George W. Bush, qui ont coûté la vie à 13 Américains.