Le président américain Barack Obama est arrivé vendredi à San Jose pour y rencontrer les chefs d'État d'Amérique centrale qui attendent des États-Unis une implication accrue dans la lutte contre le trafic de drogue dans la région, une exigence qui risque fort d'être déçue au vu des coupes budgétaires américaines.

Après une visite au Mexique jeudi et vendredi, au cours duquel il a appelé ses compatriotes à dépasser les «stéréotypes» sur ce pays et promis aux Mexicains une relation entre «partenaires égaux», le président américain est arrivé au Costa Rica vers 13 h 50 heure locale pour y rencontrer les dirigeants des sept pays d'Amérique centrale et de la République dominicaine.

Les thèmes de l'immigration, du commerce et de la sécurité doivent être abordés avec les chefs d'État du Système d'intégration centre-américain (Sica, huit pays) pour un sommet placé sous une surveillance policière sans précédent dans la capitale costaricienne. De nombreuses routes, écoles et échoppes ont été fermées pour l'occasion.

La région, confrontée aux groupes criminels et aux cartels de trafiquants de drogue contre lesquels elle ne peut lutter efficacement faute de moyens, attend surtout des États-Unis - premier consommateur mondial de cocaïne - qu'ils l'appuie davantage dans ce combat. Car ces pays en paix où les taux de criminalité atteignent des niveaux record voient transiter 90 % de la cocaïne distribuée aux États-Unis.

«Une des grandes attentes (...) de cette réunion est un engagement et une implication accrus du gouvernement des États-Unis» dans la lutte contre le trafic de stupéfiants, a récemment affirmé le président salvadorien, Mauricio Funes. «Nous nécessitons un appui décisif du gouvernement des États-Unis pour affronter l'ennemi commun, le trafic de drogue», a abondé son homologue hondurien Porfirio Lobo.

Mais les États-Unis, qui ont consacré depuis 2008 environ 500 millions de dollars à l'Initiative de Sécurité pour l'Amérique centrale (CARSI) - un plan comprenant notamment un volet d'assistance militaire - ont inscrit au budget 2013 une réduction des aides à la région, de 100 millions à 86,2 millions de dollars.

«Les discussions sur la coopération sécuritaire pourraient être compliquées», prédit Geoff Thale, directeur d'un centre d'études sur l'Amérique latine (Wola). «Les temps ont changé. Je ne considère pas envisageable un revirement sur le volet de l'aide financière», s'est d'ailleurs déjà résigné le ministre costaricain des Affaires étrangères, Enrique Castillo.

En mars, le patron des forces américaines pour l'Amérique latine (Southcom), le général John Kelly, avait fait part de ses craintes à la suite de ces coupes budgétaires, anticipant un afflux de cocaïne aux États-Unis. Selon lui, des pays comme le Honduras, le Guatemala, le Belize, le Salvador coopèrent avec Washington pour tenter d'endiguer le trafic, mais ne saisissent qu'une quantité limitée de drogue.

Face à l'échec manifeste des politiques de répression, le président guatémaltèque Otto Perez Molina devrait saisir l'occasion de la rencontre pour insister de nouveau sur la recherche de nouvelles voies, après le rejet par ses homologues de la région et par les États-Unis de la proposition de dépénalisation.

Au Mexique, M. Obama a de nouveau rejeté l'option de la légalisation, mais a reconnu «que la cause fondamentale de la violence ici est la demande pour la drogue, émanant notamment des États-Unis». Il a également constaté «que la plupart des armes utilisées pour commettre des violences ici au Mexique proviennent des États-Unis», allusion à la guerre pour le contrôle des circuits de la drogue qui a fait quelque 70 000 morts en six ans.

Mais à la Maison Blanche, l'heure est plutôt à la «dénarcotisation» des débats avec ses partenaires, et à la promotion de partenariats économiques avec ce réservoir potentiel de croissance pour les États-Unis, moins de deux mois après la disparition du président vénézuélien Hugo Chavez, grand pourfendeur de la politique américaine dans la région.

Ce voyage à San Jose est aussi l'occasion pour le président américain de défendre la réforme de l'immigration qu'il appelle le Congrès à adopter pour faire «sortir de l'ombre» les quelque 11 millions de clandestins, en majorité d'origine latino-américaine, vivant aux États-Unis.

Dans la matinée à Mexico, le président américain a insisté sur le fait qu'«il n'y avait pas de raisons d'aller à l'étranger à la recherche d'une vie meilleure. Il y a des perspectives (pour réussir) ici», assurant citer un Mexicain.

Au moment où le Congrès américain se penche sur sa réforme de l'immigration, M. Obama a aussi constaté que le système actuel «ne reflétait pas nos valeurs». «J'oeuvre avec le Congrès à faire adopter une réforme de l'immigration (...) qui donnerait à des millions de sans-papiers les moyens de mériter la citoyenneté» américaine», a-t-il affirmé, se disant «optimiste» sur l'issue de ces débats.

Au total, cinq millions de personnes originaires d'Amérique centrale, dont la moitié de Salvadoriens, vivent aux États-Unis. En 2012, les envois de capitaux de ces immigrés dans leurs pays d'origine ont atteint 12 milliards de dollars, soit 7 % du PIB régional.