Les militants qui infiltrent fermes et abattoirs en vue de déceler des cas de cruauté envers les animaux risquent d'être traînés en justice dans certains États américains. La campagne législative en cours pour freiner cette pratique est soutenue par l'industrie agroalimentaire, qui se défend de vouloir cacher des abus.

En 2008, une vidéo tournée à l'intérieur d'un abattoir de Chino, en Californie, montre des vaches malades, incapables de tenir sur pied, qui sont tirées vers leur mort à l'aide de chaînes ou transportées sans ménagement à l'aide de monte-charges.

Les images ont l'effet d'une bombe et précipitent la tenue d'une enquête sur l'entreprise responsable et le rappel de plus de 140 millions de livres de viande hachée.

L'organisation qui avait planifié l'infiltration pour tourner la vidéo, la section américaine de la Humane Society, prévient que ce type de pratique pourrait bientôt devenir impossible.

Sous l'impulsion de l'industrie agroalimentaire, au moins trois États américains ont adopté des lois qui visent à freiner les infiltrations, ou les interdire carrément, et près d'une dizaine d'autres songent à leur emboîter le pas.

L'ampleur du mouvement et son impact potentiel inquiètent au plus haut point les organisations de défense des animaux.

«Le but premier de ces lois n'est pas d'empêcher les abus, mais de faire en sorte que le public américain ne puisse plus découvrir ce qui se passe. Elles auront pour effet de placer un bouclier protecteur autour de l'industrie», accuse Matthew Dominguez, qui est responsable des campagnes de défense des animaux de ferme à la section américaine de la Humane Society.

Les lois adoptées ou à l'étude comportent diverses dispositions qui s'avèrent très restrictives. Certaines criminalisent le fait de se faire embaucher en cachant son passé d'activiste ou interdisent carrément la prise sans autorisation de photos ou de vidéos dans des exploitations agricoles.

Des textes prévoient par ailleurs que les personnes détenant des preuves de cruauté envers les animaux doivent les remettre aux autorités dans les jours suivant leur captation.

«Le principal effet de ces propositions de loi a été jusqu'à maintenant de soulever une énorme vague d'indignation populaire. Dans les États ciblés, un grand nombre de journaux ont écrit sur le sujet», note M. Dominguez.

Le New York Times est notamment monté aux barricades dans un récent éditorial. «Le seul objectif de ces lois est de garder les consommateurs dans le noir, de s'assurer que nous en sachions le moins possible sur les détails sordides de l'élevage industriel», relève le quotidien, qui prévient l'industrie du fait que les lois à l'étude vont accroître le niveau de défiance du public.

Activistes «végétaliens»

L'Animal Agriculture Alliance, un regroupement de fermiers, de producteurs et de détaillants du secteur agroalimentaire, voit les choses d'un oeil radicalement différent.

Sa porte-parole, Émily Meredith, maintient que les nouvelles lois sont nécessaires pour protéger fermes et abattoirs des attaques d'activistes «végétaliens» qui ont pour véritable objectif «de mettre un terme à la production de viande, de lait et d'oeufs».

Elle en veut pour preuve que plusieurs organisations conservent les images pendant des semaines ou des mois en vue de les diffuser avec un impact médiatique maximal plutôt que d'alerter immédiatement les autorités. «S'ils voulaient vraiment faire cesser les abus, ils n'attendraient pas aussi longtemps», souligne-t-elle. La Humane Society rétorque que ces délais sont requis pour mener des enquêtes approfondies.

Mme Meredith note que l'industrie s'est déjà dotée de normes rigoureuses pour protéger les animaux et n'a pas besoin d'être surveillée par des organisations militantes.

Les appels à une transparence accrue lui semblent déplacés. «Il y a une grande différence entre le fait de n'avoir rien à cacher et le fait de permettre à des activistes biaisés d'accéder aux installations de manière frauduleuse pour capter des images qui seront ensuite utilisées de manière sélective», souligne-t-elle.

«Nos membres ont le droit d'être protégés contre des militants qui veulent détruire leur mode de vie», conclut la porte-parole.