Le nombre 1613 apparaît lundi sur la page d'accueil de la commission de l'énergie et du commerce de la Chambre des représentants. Il représente le nombre de jours écoulés depuis que le groupe TransCanada a déposé devant le département d'État américain son projet d'oléoduc géant pour transporter le pétrole brut des sables bitumineux du Canada aux raffineries du golfe du Mexique, au Texas.

Dévoilée lundi dernier, l'«horloge Keystone XL» est l'une des dernières trouvailles pour exercer une pression supplémentaire sur Barack Obama, qui doit prendre prochainement une décision pour la construction de cet oléoduc évalué à 7 milliards de dollars.

Les partisans de ce projet, majoritaires dans les deux chambres du Congrès américain, ne sont bien sûr pas les seuls à vouloir influencer la décision du président. Dimanche, au 1612e jour de l'«horloge Keystone XL», des dizaines de milliers de manifestants se sont rassemblés sur le National Mall et dans les rues de Washington pour demander à la Maison-Blanche d'agir sur le front du climat et de renoncer à un projet qui contribuera, selon eux, à une explosion des émissions de gaz à effet de serre.

«C'est de loin, de très loin, le plus gros rassemblement sur le climat de l'histoire américaine», a déclaré l'écologiste Bill McKibben devant la foule.

Inquiétude à Ottawa

Cette bataille américaine entre partisans et adversaires de la construction de l'oléoduc Keystone est suivie avec le plus grand intérêt à Ottawa, où le projet constitue une «immense priorité pour l'économie canadienne» (dixit le ministre des Affaires étrangères, John Baird).

Après la réélection de Barack Obama, le gouvernement de Stephen Harper croyait que le président se sentirait plus libre d'accepter un projet dont il avait rejeté une première version en janvier 2012 pour ne pas se mettre à dos les écologistes, une partie importante de sa base électorale. Mais le président américain a créé une surprise aux États-Unis et semé l'inquiétude à Ottawa en insistant sur l'urgence de combattre les changements climatiques lors de son discours d'investiture, le 21 janvier, et celui sur l'état de l'Union, mardi dernier.

«Nous répondrons à la menace du changement climatique, sachant que ne pas le faire serait une trahison pour nos enfants et les générations futures», a dit Barack Obama. Il a consacré plus d'une minute de son discours d'investiture à ce sujet, qu'il avait largement ignoré pendant sa campagne.

«Certains peuvent encore nier le jugement majoritairement écrasant de la science, mais personne ne peut éviter l'impact dévastateur d'incendies, de sécheresses et de cyclones plus puissants», a ajouté le président.

Barack Obama est revenu sur le sujet lors de son discours sur l'état de l'Union en promettant de procéder par décrets «si le Congrès n'agit pas rapidement pour protéger les générations futures».

«J'ordonnerai à mon cabinet de me présenter les mesures que nous pouvons prendre, maintenant et à l'avenir, pour réduire la pollution, préparer nos communautés aux conséquences du changement climatique et accélérer la transition vers davantage de sources d'énergie renouvelables», a-t-il dit.

Emplois et sécurité énergétique

Après ces déclarations, les militants écologistes des États-Unis voient mal comment Barack Obama peut donner le feu vert à un projet dont le rejet est devenu une des grandes priorités.

«Il ne fera pas quelque chose qui est imprudent et mesquin envers les générations futures», a déclaré Robert Kennedy fils, une des personnalités qui ont été arrêtées la semaine dernière lors d'une manifestation devant la Maison-Blanche. «C'est un projet qui enrichira quelques milliardaires tout en appauvrissant le reste de l'humanité», a-t-il ajouté.

De leur côté, les partisans américains de l'oléoduc Keystone XL ne voient pas comment Barack Obama peut rejeter un projet qui pourrait créer des emplois - 20 000, selon la société TransCanada - et contribuer à la sécurité énergétique des États-Unis, deux des objectifs de son second mandat.

En fin de compte, Barack Obama tentera peut-être de couper la poire en deux. Selon un scénario évoqué récemment par le journal Politico, il pourrait se prononcer en faveur de la construction de l'oléoduc et annoncer du même souffle de nouvelles règles destinées à réduire les émissions provenant des plus importants pollueurs industriels.

Un tel scénario pourrait évidemment déplaire à tout le monde, sauf au gouvernement Harper et à ses alliés, qui n'ont aucune idée du choix que Barack Obama annoncera lorsque l'«horloge Keystone» aura cessé d'additionner les jours.