Les républicains du Sénat américain ont réussi jeudi à bloquer temporairement la nomination à la tête du Pentagone de Chuck Hagel, dont l'éventuelle entrée en fonctions est repoussée d'une dizaine de jours, un camouflet pour le président Barack Obama.

Lors d'un vote tendu jeudi, il aura manqué une seule voix aux démocrates pour surmonter l'obstruction républicaine, lancée grâce à une procédure parlementaire rarement utilisée contre un candidat à un poste ministériel.

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«Il est assez déplorable que ce genre de manoeuvre ait été employé à un moment où je suis le président d'un pays en guerre en Afghanistan, et où j'ai besoin d'un secrétaire à la Défense qui se coordonne avec nos alliés pour s'assurer que nos soldats disposent du type de stratégie et de mission qu'ils méritent», a réagi Barack Obama peu après le vote, lors d'un «chat» Google Hangout diffusé sur internet.

Ce vote de défiance est à la mesure de l'animosité suscitée par Chuck Hagel parmi les républicains. Ils lui reprochent ses déclarations passées sur Israël, l'Iran et la guerre en Irak: à l'époque sénateur, il avait rapidement pris position contre la stratégie de George W. Bush et s'était fâché avec son parti, dont l'influent John McCain.

Les excuses prononcées par le candidat lors d'une audition éprouvante le 31 janvier n'ont pas suffi à apaiser les républicains - sa prestation désastreuse, parsemée de bredouillements et de réponses incomplètes, semble même avoir jeté de l'huile sur le feu et consolidé l'opposition contre lui. John McCain a assuré que son ex-ami n'était pas compétent pour le poste.

Mais le vote de jeudi ne fait que décaler sa confirmation. Un nouveau vote aura lieu après l'ajournement pour une semaine de la session du Sénat, le 26 février, lors duquel les républicains ont annoncé qu'ils lèveraient leurs objections.

Les démocrates furieux

«Il faut que tout le monde respire un grand coup. M. Hagel sera confirmé, si ce n'est pas aujourd'hui, il le sera après l'ajournement du Sénat», assurait une responsable de la Maison-Blanche peu avant le vote.

Entretemps, il manquera une importante réunion de l'OTAN à Bruxelles la semaine prochaine consacrée au retrait d'Afghanistan. L'actuel secrétaire à la Défense, Leon Panetta, s'y rendra.

«Nous avons 66 000 soldats en Afghanistan, nous commençons un processus crucial de transition en rapatriant 34 000 d'entre eux d'ici février. Ils ont besoin de leur secrétaire à la Défense maintenant», a poursuivi la responsable de la Maison-Blanche.

Les démocrates sont furieux et estiment qu'en temps de guerre tout retard dans la confirmation du patron de la défense est préjudiciable à la sécurité du pays. Mais les républicains ont noté que Leon Panetta restait en place jusqu'à nouvel ordre.

Sénateur républicain de 1997 à 2009, Chuck Hagel a gagné une réputation de franc-tireur aux prises de position iconoclastes au sein de son parti. Il s'était affiché avec Barack Obama quand les deux étaient encore au Sénat.

Les républicains sous-entendent en outre depuis quelques jours qu'il aurait prononcé des déclarations antiisraéliennes ou qu'il aurait touché des revenus d'organisations radicales depuis qu'il a quitté le Sénat. Ils exigent qu'il leur transmette des documents supplémentaires sur tous ses revenus reçus dans les cinq dernières années.

La Maison-Blanche avait qualifié d'«impensable» l'obstruction républicaine jeudi, et dans un geste d'apaisement avait envoyé une lettre donnant des détails sur la façon dont l'exécutif américain avait géré les secours la nuit de l'attentat contre le consulat américain de Benghazi, en Libye, le 11 septembre, qui avait coûté la vie à 4 Américains, dont l'ambassadeur en Libye.

Les républicains avaient tenté d'exploiter cet autre dossier brûlant, sans aucun rapport avec Chuck Hagel, pour faire plier la Maison-Blanche.