Les États-Unis ont peut-être échappé mardi à une catastrophe économique grâce à l'adoption in extremis par le Congrès d'une loi évitant le mur budgétaire, une cure d'austérité forcée qui aurait pu précipiter le pays dans la récession.

Mais un autre «mur» se profile déjà à l'horizon. Un mur budgétaire dont les conséquences pourraient être d'autant plus néfastes qu'il sera accompagné d'un «plafond», celui de la dette publique américaine, fixé à 16 394 milliards de dollars, qui a été atteint le 31 décembre.

Mardi soir, avant de repartir en vacances à Hawaii, Barack Obama a évoqué ce problème en rappelant qu'il n'avait pas l'intention de revivre cet hiver la crise financière de l'été 2011, quand les républicains du Congrès avaient posé comme condition au relèvement du plafond de la dette des coupes budgétaires draconiennes.

Mise en garde

«Je négocierai sur beaucoup de choses, mais je ne débattrai pas encore avec le Congrès sur la nécessité d'acquitter les factures induites par les lois déjà adoptées. Laissez-moi le répéter: nous ne pouvons pas ne pas acquitter les factures que nous avons déjà accumulées», a déclaré le président avant de reprendre Air Force One pour retrouver sa femme et ses filles, restées dans son archipel natal.

La crise financière de 2011 avait contribué à la baisse de la notation de la dette américaine par l'agence Standard & Poor's. Qu'à cela ne tienne: au moins un élu républicain a rejeté hier la mise en garde du président.

«Nous devons absolument avoir ce débat sur le plafond de la dette», a déclaré hier matin le sénateur de Pennsylvanie, Pat Tooney, sur MSNBC.

Marge de manoeuvre

Selon le secrétaire au Trésor, Tim Geithner, des mesures exceptionnelles prises par son Département donneront aux États-Unis environ deux mois de marge de manoeuvre, après quoi le pays sera contraint de faire défaut à ses obligations légales si le plafond de la dette n'est pas relevé.

Or, deux mois, c'est la durée du report des coupes budgétaires qui devaient entrer en vigueur au début de cette année. Ce report fait partie de l'entente approuvée par le Sénat et la Chambre.

Il est donc assuré que le débat sur le prochain mur budgétaire coïncidera et s'entremêlera avec celui sur le relèvement du plafond de la dette. En effet, le sénateur Tooney n'est pas le seul républicain à vouloir revivre le bras de fer de 2011 pour soutirer des concessions budgétaires à la Maison-Blanche.

«J'espère que les républicains se battront avec autant de fougue sur le plafond de la dette que Barack Obama l'a fait sur les taux d'imposition», a déclaré le sénateur républicain de Caroline-du-Sud, Lindsey Graham, lundi, sur Fox News.

Réforme

Comme plusieurs de leurs collègues conservateurs, les sénateurs Tooney et Graham ont été durement critiqués pour avoir voté pour une entente qui fera notamment passer de 35% à 39,6% le taux d'imposition pour les ménages dont les revenus sont supérieurs à 450 000$ par an.

Barack Obama, de son côté, s'est dit prêt à réformer les programmes générateurs de déficits, mais il a répété sa préférence pour une approche «équilibrée» qui inclurait des hausses additionnelles de revenus par l'entremise d'une réforme du code des impôts.

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Les gagnants

Joe Biden

Le vice-président a mis à profit sa longue expérience de parlementaire pour négocier un accord avec le chef de la minorité républicaine au Sénat, Mitch McConnell. Il a également exercé son influence pour convaincre les démocrates progressistes du Sénat et de la Chambre d'accepter l'entente.

Barack Obama

Le président n'a pas obtenu 100% de ses demandes dans l'accord sur la fiscalité approuvé par le Sénat et la Chambre. Mais il a forcé les républicains à accepter une hausse des impôts des Américains les plus fortunés, une de ses plus importantes promesses électorales, ainsi qu'une extension de l'assurance-chômage pour deux millions d'Américains.

Mitch McConnell

Le sénateur du Kentucky a évité au Parti républicain d'être accusé de grand responsable d'un blocage qui aurait terni la réputation des États-Unis et mis en péril l'économie américaine. Reste à voir s'il aura à payer pour son compromis sur la fiscalité en 2014, année où son siège sera en jeu.

Les perdants

John Boehner

Le président de la Chambre des représentants a dû retirer son «plan B» pour éviter le mur budgétaire lorsqu'il s'est aperçu que ses propres membres étaient prêts à le rejeter. Il a voté pour l'accord Biden-McConnell, mais la majorité des républicains de la Chambre ont refusé de lui emboîter le pas.

Les faucons de l'austérité

L'entente pour éviter le mur budgétaire prévoit des hausses d'impôts pour les Américains les plus fortunés, mais aucune coupe budgétaire susceptible de réduire les déficits abyssaux du gouvernement fédéral. Comme de coutume, les élus de Washington ont remis à plus tard les décisions les plus difficiles.

Grover Norquist

Le roi du mouvement antitaxes aux États-Unis a longtemps fait régner la terreur chez les républicains en les incitant à prêter un «serment solennel» de ne jamais augmenter les impôts. Son influence n'est plus la même depuis que 45 sénateurs et 85 représentants républicains ont accepté le compromis sur la fiscalité pour éviter le mur budgétaire.