La défaite était encore toute fraîche. Plusieurs républicains, à la fois surpris et traumatisés, semblaient prêts à se remettre en question. Après tout, la réélection de Barack Obama ne signifiait-elle pas que leur parti s'était fourvoyé en pensant qu'une majorité d'électeurs partageait les opinions des Mitt Romney, Rush Limbaugh et autres Américains «sévèrement conservateurs» ?

Bobby Jindal, gouverneur de Louisiane et candidat potentiel à la présidentielle de 2016, a certes tenté de lancer le débat sur cette question. Moins d'une semaine après l'élection du 6 novembre, il a exhorté les républicains à changer leur approche et leur discours afin de ne plus être perçus comme le parti des riches et des anti-intellectuels.

«Ce n'est pas un secret que certains républicains ont nui à notre image de marque avec des commentaires offensants et bizarres - ça suffit», a-t-il déclaré lors d'une entrevue accordée au journal Politico. «Ce ne sera pas la dernière fois que quelqu'un dit quelque chose de stupide dans notre parti, mais cela ne peut être toléré. Nous en avons assez de ce conservatisme abêtissant. Nous devons cesser d'être simplistes, nous devons faire confiance en l'intelligence du peuple américain et nous devons cesser d'insulter l'intelligence des électeurs.»

Les hausses d'impôts dans la ligne de mire

De toute évidence, le message de Bobby Jindal a échappé à bon nombre de républicains du Congrès. La semaine dernière, les plus radicaux d'entre eux se sont révoltés et ont refusé d'adopter un plan présenté par le président de la Chambre des représentants, John Boehner, pour éviter le «mur budgétaire», ce cocktail de hausses d'impôts et de coupes budgétaires qui pourrait faire basculer l'économie américaine dans la récession. Ce plan prévoyait notamment de reconduire les baisses d'impôts de l'ère Bush pour tous les foyers américains, sauf pour ceux qui gagnent 1 million de dollars et plus par an.

Or, aux yeux des républicains dogmatiques, toute augmentation d'impôts est inacceptable, et ce, même si celle-ci ne devait toucher que les millionnaires. Le fait que Barack Obama ait été réélu en promettant de hausser les impôts des couples gagnant 250 000$ et plus ne compte pas pour eux. Ils semblent prêts à pousser leur pays vers le précipice pour défendre un principe que la majorité des Américains rejettent.

Le lendemain de la révolte des républicains de la Chambre des représentants, la National Rifle Association (NRA) a insulté à son tour l'intelligence des Américains en refusant d'accepter la moindre responsabilité dans la violence liée aux armes à feu aux États-Unis. Le puissant lobby lutte pourtant depuis des décennies contre toute mesure visant à restreindre l'accès aux armes à feu.

Qu'à cela ne tienne, la NRA ne devrait pas avoir de mal à trouver chez les républicains (et peut-être aussi chez les démocrates) plusieurs alliés dans sa lutte contre les projets de loi sur les armes à feu qui doivent être déposés au Congrès dès le 3 janvier, première journée de la prochaine session parlementaire à Washington.

Les Américains pourraient ainsi assister au début de 2013 à un singulier triomphe des extrémistes. Faute d'un accord entre Barack Obama et des républicains pris en otage par leur frange radicale, les États-Unis frapperaient d'abord le «mur budgétaire». Et les mesures les plus populaires en matière de réglementation des armes à feu - l'interdiction des fusils d'assaut et des chargeurs de plus de 10 balles - pourraient ensuite se buter à un autre mur, celui de la NRA et de ses alliés au Congrès.

Des positions «trop extrêmes»

En contribuant à un tel scénario, les républicains n'augmenteraient pas leur popularité au sein de la population. Dans un sondage CNN/ORC publié la semaine dernière, 53% des Américains, dont 22% des républicains, estimaient que les élus du Grand Old Party défendent des positions «trop extrêmes». En 2010, seulement 40% d'entre eux étaient du même avis.

La période des Fêtes pourrait-elle faire baisser la fièvre dont semblent souffrir certains républicains du Congrès? C'est le souhait que Barack Obama a exprimé vendredi soir en présentant un plan plus modeste pour éviter le mur budgétaire.

«Au moment où nous quittons la ville (de Washington) pour retrouver nos familles pendant les Fêtes, j'espère que cela donnera un peu de sens des perspectives à tout le monde», a-t-il dit.

En Louisiane, Bobby Jindal nourrit probablement le même espoir.