Après trois ans et demi d'enquête, une commission du Sénat américain a estimé que l'utilisation des «techniques d'interrogatoire musclé» était une «terrible erreur», a annoncé sa présidente jeudi.

Le rapport et ses 20 conclusions sont toutefois confidentiels et devront être examinés par des responsables de l'administration de Barack Obama avant une éventuelle déclassification, dans plusieurs mois.

«Je crois fermement que la création de «sites noirs» clandestins de long terme et l'utilisation de «techniques d'interrogatoire musclé» ont été de terribles erreurs», a déclaré Dianne Feinstein, présidente de la commission du Renseignement, à l'issue d'une réunion à huis clos. «La majorité de la commission est d'accord».

La puissante sénatrice démocrate a également estimé, à titre personnel, mais sur la base du rapport d'enquête, que l'utilisation de ces techniques, notamment celle de la simulation de noyade, n'avait pas conduit à des renseignements ayant permis de localiser Oussama ben Laden, tué en 2011 au Pakistan lors d'un raid de commando américain.

C'est pourtant sur une scène de torture que s'ouvre le nouveau film Zero Dark Thirty, de Kathryn Bigelow, qui raconte la traque du chef d'Al-Qaïda par la CIA. Selon le scénario, des indices auraient été obtenus en torturant des suspects. Le film sort ce mois-ci sur les écrans américains et suscite un grand intérêt puisque la réalisatrice a pu avoir accès à de nombreux responsables de l'administration Obama.

Les sénateurs de la commission ont approuvé par neuf voix contre six ce rapport de 6000 pages examinant le cas de chacun des détenus de la CIA, «les conditions dans lesquelles ils ont été détenus, comment ils ont été interrogés, les renseignements qu'ils ont effectivement fournis», selon Mme Feinstein.

Tous les républicains sauf un ont voté contre, illustrant la controverse qui continue d'entourer ces interrogatoires.

Plus de six millions de pages de documents de la CIA et d'autres agences de renseignement ont été étudiées par la commission, faisant de cette enquête «l'un des travaux de supervision les plus importants de l'histoire des États-Unis», a dit Mme Feinstein.

Le républicain John McCain, candidat malheureux à la présidentielle de 2008, et l'un des plus fermes opposants à la torture, réclame avec véhémence la publication de l'enquête «pour que tous les Américains puissent voir d'eux-mêmes le bilan».

«Ce que j'ai appris confirme ce que j'ai toujours cru (...): que le traitement cruel, inhumain et dégradant des prisonniers est non seulement mal par principe et une tache sur la conscience de notre pays, mais aussi une méthode inefficace et peu fiable d'obtenir des renseignements», a-t-il écrit dans une lettre à ses collègues.

Après les attentats du 11 septembre 2001, la CIA a capturé des dizaines de personnes soupçonnées de liens avec Al-Qaïda, et utilisé dix «techniques d'interrogatoire musclé» assimilées à de la torture par de nombreuses voix critiques.

Ces méthodes comprenaient la privation de sommeil, la mise à nu du détenu ou encore la simulation de noyade, à laquelle le cerveau autoproclamé des attentats du 11-Septembre, Khaled Cheikh Mohammed, a été soumis 183 fois lors de sa détention dans une prison secrète de la CIA en Pologne entre 2003 et 2006.