La justice américaine a annulé mardi la condamnation de l'ex-chauffeur d'Oussama ben Laden, ancien détenu de Guantanamo, estimant qu'une aide matérielle au terrorisme n'était pas un crime de guerre.

La décision a une valeur symbolique pour le prévenu, Salim Ahmed Hamdan, qui avait déjà été libéré après sept ans passés à Guantanamo, mais d'autres prisonniers de la prison américaine à Cuba, dont beaucoup sont également poursuivis pour « soutien matériel au terrorisme », pourraient en bénéficier.

Les trois juges de la cour d'appel fédérale de Washington ont estimé que l'accusation ne pouvait pas s'appuyer de manière rétroactive sur une loi américaine classant le soutien matériel au terrorisme comme un crime de guerre.

La cour a ajouté que l'accusation devait à la place se fonder sur la loi internationale qui définit certaines formes de terrorisme (comme le fait de viser intentionnellement des civils) comme des crimes de guerre.

« Mais le problème principal ici est de savoir si le "soutien matériel au terrorisme" est un crime de guerre au regard de la loi internationale. La réponse est non » , a écrit le juge Brett Kavanaugh.

« La loi internationale laisse à chaque pays le soin de cibler dans sa législation le soutien matériel au terrorisme s'il le souhaite. Il n'y a pas de loi internationale punissant le soutien matériel au terrorisme », a-t-il ajouté.

« Peut-être encore plus parlant : avant ce procès, personne n'avait jamais été poursuivi par un tribunal international sur les crimes de guerre pour support matériel au terrorisme », a encore dit le juge Kavanaugh. Celui-ci avait pourtant été nommé par George W. Bush et est considéré comme un conservateur.

L'Union américaine pour les libertés civiles s'est félicitée de cette décision et a renouvelé son appel au gouvernement américain à juger les prisonniers de Guantanamo devant des tribunaux civils s'ils ont suffisamment de preuves, et non devant des tribunaux militaires d'exception.

Procès emblématique

« Cette décision va clairement à l'encontre de la légitimité des commissions militaires de Guantanamo, qui poursuivent depuis des années des gens pour des supposés crimes de guerre qui, en fait, ne sont pas du tout des crimes de guerre », a ainsi déclaré Zachary Katznelson, l'un des principaux avocats du groupe.

Salim Ahmed Hamdan avait été le premier détenu de Guantanamo à être condamné pour « soutien matériel au terrorisme » par un tribunal militaire d'exception en 2008.

Son procès avait été jugé emblématique des excès de la « guerre contre le terrorisme », lorsqu'il avait été condamné à seulement cinq ans et demi de prison, contre les 30 ans réclamés par le gouvernement américain.

Après avoir purgé un reliquat de peine au Yémen, il avait pu rejoindre en décembre dernier sa maison de famille.

Inculpé en 2003 de « complot » et de « soutien matériel au terrorisme », M. Hamdan n'avait finalement été déclaré coupable que du dernier chef d'accusation par un jury militaire. Le jury a estimé qu'il n'était pas directement impliqué dans les activités de ben Laden.

Entre 1996 et novembre 2001, Salim Ahmed Hamdan a conduit ou accompagné Oussama ben Laden dans divers camps d'entraînement d'Al-Qaïda, des conférences de presse ou des rencontres, selon l'acte d'accusation du procès de M. Hamdan.

Arrêté fin 2001 en Afghanistan, M. Hamdan, qui est marié et père de deux filles, était arrivé à Guantanamo en mai 2002. Il a témoigné avoir subi des mauvais traitements et avoir souffert d'être maintenu à l'isolement.