Le centre-ville de Las Vegas n'est pas l'endroit le plus accueillant du monde.

Les devantures des hôtels sont sales, des commerces sont cadenassés, des terrains sont vacants. Un restaurant de hamburgers offre aux gens qui pèsent plus de 350 livres de manger gratuitement.

Si Downtown Project gagne son pari, l'endroit sera méconnaissable d'ici 2015.

Krissee Danger, porte-parole de l'organisation, est habituée aux regards dubitatifs de ceux qui visitent le centre-ville pour la première fois.

«Il faut beaucoup d'imagination pour concevoir ce qu'on va faire ici», dit-elle.

Quand elle a reçu La Presse, l'été dernier, son bureau temporaire était situé dans le bar Downtown Cocktail Room: les employés du projet travaillent sur leurs MacBook Pro aux mêmes tables qui sont utilisées, le soir, par les clients qui y déposent leur verre de martini ou leur bière froide.

Près d'ici, Tony Hsieh (prononcez «Shay») a acheté l'édifice qui abritait l'ancien hôtel de ville de Las Vegas. Il compte y déménager, l'an prochain, les 2000 employés de Zappos.com, l'entreprise qu'il a cofondée et qui a été acquise par Amazon pour 1,2 milliard, en 2009.

Zappos sera le centre névralgique du quartier, qui deviendra un hybride entre un projet de revitalisation urbain, un campus et un incubateur pour les entreprises de haute technologie.

«Nous avons eu l'idée de faire un campus comme Google, Nike ou Apple, mais pas un campus traditionnel insulaire, dit Mme Danger. Nous voulons qu'il soit tourné vers les besoins de la communauté.»

Dans une vidéo diffusée sur le Net l'été dernier, Tony Hsieh explique qu'il veut changer l'idée que les gens se font de Las Vegas.

«Quand les gens pensent à Las Vegas, ils pensent aux hôtels et au jeu. À l'avenir, quand les gens penseront à Las Vegas, ils penseront aussi à l'innovation technologique, à la culture, aux projets originaux qu'il serait impensable de réaliser ailleurs.»

Après le déluge

Tony Hsieh a l'habitude des paris improbables. En 1999, quand il avait 24 ans, l'entreprise qu'il a fondée, LinkExchange, a été achetée par Microsoft pour 265 millions. Depuis, Hsieh a financé, puis dirigé, Zappos.com, la société de vente de chaussures sur l'internet. L'entreprise a connu un succès fracassant: les ventes annuelles sont passées de pratiquement zéro en 1999 à plus de 1,6 milliard en 2010.

Downtown Projet investira 100 millions dans l'immobilier commercial, 100 millions dans l'immobilier résidentiel, 50 millions dans les petites entreprises, 50 millions dans les start-up technologiques et 50 millions dans les projets liés à l'éducation.

Au centre du quartier, l'imposante tour à condos blanche Ogden est le symbole de la nouvelle communauté numérique de Las Vegas. Construit au coût de 150 millions avant la crise économique, l'édifice a été l'objet d'une reprise bancaire. Il a été racheté pour 30 millions. Tony Hsieh possède les deux derniers étages, où il habite et offre des espaces de travail à des collaborateurs et amis. Des firmes d'ingénierie et de robotique ont déjà leurs bureaux dans la tour.

Levi Schoenfeld, du Downtown Project, nous fait visiter une des suites, située au 14e étage. L'appartement a été transformé en espace de travail: une pièce est devenue une salle de conférence, une autre contient des projecteurs de studio.

«Les entrepreneurs peuvent louer ces espaces pour quelques centaines de dollars par mois», dit-il.

Au coin de la rue se trouve un terrain vacant. Il y avait un vieux Motel 6 ici. Downtown Project l'a acheté pour 5,2 millions et l'a fait démolir. Dans quelques mois, des conteneurs industriels seront déposés sur le terrain, et ils deviendront une communauté de restaurants et de petits commerces.

Aujourd'hui, sept ans après le début de la crise économique, Las Vegas revit. Le tourisme est en hausse. Des projets d'hôtels de plus de 1 milliard de dollars sont en train d'être achevés. Le taux de chômage - encore très élevé - baisse tranquillement.

«Las Vegas a toujours été l'endroit où les gens sont venus pour créer à l'abri des jugements et des normes, dit Mme Danger. Ici, tout est possible.»