Lorsque Rudolf Hegewald a quitté il y a 50 ans l'Allemagne de l'Est pour rejoindre ses frères mormons de l'Utah, dans l'ouest des États-Unis, il n'aurait jamais pensé qu'un membre de sa communauté puisse un jour accéder à la Maison-Blanche.

Mais avec l'investiture la semaine prochaine à Tampa en Floride (sud-est) du mormon Mitt Romney comme candidat du parti républicain à la présidentielle du 6 novembre, le rêve de Rudolf pourrait peut-être devenir réalité.

Travaillant comme volontaire dans un centre social d'une église de Salt Lake City, ce retraité de 82 ans suit la campagne de l'ancien gouverneur du Massachusetts de très près.

«Le travail de nos missionnaires serait facilité (...) si on pouvait dire que le président des États-Unis est un fidèle de l'Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours», nom officiel du mormonisme, souligne-t-il, rappelant les «principes de grande moralité» qui guide cette religion.

Rares sont toutefois les mormons qui, comme le vieil homme, parlent tout haut de politique. Les responsables de l'Église insistent sur le fait que leur mission est de prêcher le «Gospel» --l'Evangile-- et non d'élire des hommes politiques.

«Nous prenons cette neutralité très au sérieux», assure à l'AFP Michael Otterson, l'un des directeurs de l'Église mormone, dont le siège est à Salt Lake City. «Nous ne parlons pas de politique».

Face au scepticisme exprimé notamment par les évangélistes, dont certains ont qualifié la religion mormone de «secte», le candidat Romney a depuis le début de sa campagne largement évité de parler de sa foi.

Si bien que lorsque le New York Times et le Washington Post ont publié des reportages sur l'implication de longue date du républicain dans l'Église mormone, l'équipe de campagne de Mitt Romney s'est refusée à tout commentaire.

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Un candidat engagé

Dimanche dernier, cependant, le candidat a pour la première fois invité des journalistes à l'accompagner à un office religieux.

Selon le quotidien new-yorkais, les conseillers de Mitt Romney ont estimé qu'il était temps que l'adversaire de Barack Obama soit plus éloquent sur sa foi, pariant sur l'image d'un candidat engagé dans son Église.

Andrew Watson et sa femme Kelsey vivent dans une banlieue de Salt Lake City avec leurs quatre enfants. Pour ce père de famille de 34 ans, «les mormons n'ont pas besoin d'un trophée» et voteront le 6 novembre «pour la personne la mieux qualifiée».

Il espère néanmoins que la candidature de Mitt Romney permettra de «clarifier certaines idées reçues» sur la foi mormone, qui concerne six millions de personnes aux États-Unis, soit 2% de la population.

L'Église est connue pour ses missionnaires arpentant tous les pays, son ancienne pratique de la polygamie, et ses règles strictes contre l'alcool, le tabac ou la caféine.

Mais elle est aussi entourée de mystère, les non-mormons par exemple étant interdits d'entrée dans les temples.

Selon un sondage Bloomberg News publié en mars, plus d'un Américain sur trois a une opinion défavorable sur le mormonisme.

Du côté des mormons, une enquête de l'institut Pew parue cette année révèle que 56% d'entre eux pensent que le pays est prêt à élire un mormon, contre 32% estimant le contraire.

Mitt Romney n'est pas le premier mormon à viser la Maison-Blanche. D'autres l'ont tenté avant lui dont le fondateur de cette Église, Joseph Smith, en 1844.

Mais il est le premier à être désigné candidat d'un parti en vue de la présidentielle.

«Même les mormons qui ne voteront pas pour Mitt Romney y verront, s'il est élu, un moment symbolique pour l'image de cette Église auprès du grand public», constate Chris Karpowitz, professeur de science politique à l'université de Brigham Young.