Un ancien membre de la force d'élite américaine qui a tué Oussama ben Laden au Pakistan le 2 mai 2011 va publier son récit de l'opération, au grand dam du Pentagone, qui craint que ne soient dévoilées des informations secrètes. La publication du livre survient en plein débat sur l'implication des militaires dans la campagne présidentielle aux États-Unis.

Des responsables militaires ont déclaré que le livre No Easy Day, dont la sortie est prévue le 11 septembre, n'avait pas été soumis à l'approbation du département de la Défense.

«Je n'ai pas lu le livre et je ne pense pas que quiconque l'ait révisé au département», a déclaré le porte-parole du Pentagone, George Little.

Des responsables de la Maison-Blanche et de la CIA, qui a été impliquée dans l'opération, ont fait des déclarations similaires.

L'annonce de la sortie du livre survient au moment où un groupe d'anciens agents de la force d'élite Navy SEALs et de la CIA accusent le président Barack Obama d'avoir révélé des informations classifiées sur le raid contre Ben Laden, et de les exploiter à des fins politiciennes. Ils lui reprochent de s'attribuer trop de mérite dans cette opération.

Le chef d'état-major des armées, Martin Dempsey, ainsi que des membres des forces spéciales, ont reproché à ce groupe son manque de professionnalisme. Le général Dempsey a estimé que l'implication de militaires dans le débat politique érodait la confiance des Américains dans leur armée.

L'auteur du livre sur Ben Laden, qui utilise le pseudonyme de Mark Owen, affirme vouloir «faire une mise au point sur l'une des plus importantes missions de l'histoire de l'armée américaine». Il ajoute dans un communiqué de presse que son récit parle «des gars» et des sacrifices qu'ils ont consentis pour accomplir leur travail, dans l'espoir que cela incite d'autres jeunes gens à rejoindre les rangs des Navy SEALs.

Si «Mark Owen» s'en tient à des réflexions personnelles sur son ancien travail, il devrait s'en tirer sans problème, mais les membres des forces spéciales signent souvent une clause de confidentialité. Ils n'ont pas le droit de divulguer des informations classifiées concernant par exemple le renseignement, les tactiques militaires ou les procédures employées pour assurer le succès du raid contre Ben Laden l'an dernier.

Christine Ball, une porte-parole de l'éditeur Dutton, filiale de Penguin, a affirmé qu'un ancien avocat des opérations spéciales avait examiné le livre. «Il a examiné les informations, tant tactiques, techniques et procédurales que celles qui pourraient être considérées comme classifiées par recoupement, et a déclaré qu'il n'y avait pas de risque pour la sécurité nationale», d'après elle.

Le porte-parole du département de la Défense, le lieutenant-colonel James Gregory, a prévenu que le Pentagone transmettrait le dossier au département de la Justice si le livre révèle des informations classifiées sur le raid.

Les règlements du Pentagone stipulent que le personnel retraité, les anciens employés et les membres non actifs de réserve «doivent utiliser le processus d'examen de la sécurité du département de la Défense pour s'assurer que les informations qu'ils rendent publiques ne compromettent pas la sécurité nationale».

La CIA pourrait aussi se mêler de l'affaire, puisqu'elle a conduit la mission secrète contre Ben Laden.

Si le livre comporte des informations classifiées, son auteur pourrait être poursuivi. Et même s'il reversait l'argent tiré de la publication à une oeuvre de charité, par exemple, cela n'empêcherait probablement pas le département de la Justice de le poursuivre pour toucher tout revenu futur lié à l'oeuvre.

Un ancien agent de la CIA a ainsi été condamné cette année à verser tous les revenus à venir de son livre de 2008 dénonçant des dysfonctionnements au sein des services d'espionnage américains, au motif qu'il n'avait pas obtenu le feu vert de son ex-employeur pour la publication.

En 2010, le département de la Défense a déboursé 47 000$ US pour détruire 9500 exemplaires des mémoires de guerre d'Afghanistan d'un ancien officier du renseignement militaire considérés comme une menace pour la sécurité nationale.

Les éditions Dutton ont prévu un premier tirage de 300 000 exemplaires du livre de «Mark Owen», selon Mme Ball. Le coauteur du livre, le journaliste Kevin Maurer, a déjà participé à l'écriture de quatre autres ouvrages.