Le magasin Bass Pro Shops, à Denver, est plus vaste qu'un entrepôt Costco. Il possède son propre restaurant, sa galerie de tir et ses bureaux feutrés pour accueillir les clients VIP.

Les armes de chasse et les fusils d'assaut sont alignés derrière un comptoir long comme une allée de quilles. Des centaines de boîtes de munitions sont empilées sur des étagères, à la portée des clients.

Les enfants qui passent la porte du magasin avec leurs parents ont les yeux grands comme dans un parc d'attractions.

James Holmes est entré ici le lundi 28 mai et y a acheté un fusil Remington 870 Express Tactical de calibre 12, à 319$. Il est revenu le vendredi 6 juillet pour acheter un revolver Glock (600$).

Entre-temps, il a fait l'acquisition d'un autre Glock, d'un fusil d'assaut semi-automatique Smith&Wesson M&P15T et de plus de 6000 balles, achetées sur l'internet.

Ces achats légaux ont servi à perpétrer l'une des plus importantes tueries de l'histoire récente des États-Unis. Samedi, le siège social de Bass Pro Shops, au Missouri, a affirmé que le dossier de Holmes avait été «dûment analysé au moment des achats, et qu'il a été approuvé».

Des clients interviewés par La Presse devant le Bass Pro Shops, la fin de semaine dernière, se sont dits mal à l'aise devant l'abondance d'armes offertes par le magasin, le plus grand fournisseur de matériel de camping de Denver.

«Je n'aime pas emmener mes enfants ici, a dit Karla Keller. Ils vendent même des allume-barbecue en forme de revolver... Je comprends qu'ils tiennent des armes de chasse, mais les fusils d'assaut, ça donne froid dans le dos.»

Un autre client, qui a dit s'appeler Jake, trouve cependant normal que le magasin vende des armes semi-automatiques, légales pour la chasse au Colorado. «Elles seraient disponibles sur le marché noir de toute façon, dit-il. Les cartels mexicains ont des armes, et je ne pense pas qu'ils les achètent en magasin.»

Changer la loi?

Hier, le représentant démocrate du district qui englobe Aurora, Ed Perlmutter, a dit qu'il est temps de réinstaurer la loi fédérale interdisant la vente de fusils d'assaut, en application de 1994 à 2004.

«Je crois que c'est un enjeu qui peut être réglé au Congrès», a-t-il affirmé sur les ondes de CBS. En 2004, le Congrès, alors dirigé par les républicains, avait laissé expirer la loi, adoptée sous Bill Clinton.

En entrevue avec La Presse, Dave Kopel, professeur de droit constitutionnel à l'Université de Denver et directeur à l'Independence Institute, note que les armes utilisées par Holmes comptent parmi les plus populaires aux États-Unis.

«Ce qui s'est passé vendredi à Aurora est horrible. Mais je ne crois pas que l'on puisse empêcher cela en limitant l'accès aux armes de chasse», dit-il.

Les débats sur les armes surviennent toujours après les tueries, mais la réalité, c'est que Washington n'a pas l'appétit pour légiférer sur la question. «Il y a 300 millions d'armes à feu aux États-Unis, explique M. Kopel. On fait quoi? On les interdit?»