Le projet déjoué d'attentat kamikaze visant à faire sauter un avion de ligne américain au moyen d'une bombe dissimulée dans un sous-vêtement marque un important revers pour Al-Qaïda, dont la direction s'est laissé berner par un agent double.

«C'est un choc dévastateur pour Al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQAP), a dit hier à CNN Juan Zarate, ancien haut responsable de la lutte contre le terrorisme à la Maison-Blanche, sous l'administration de George W. Bush. Cela démontre que nous avons le pouvoir de nous infiltrer dans l'organisation.»

L'agent, dont l'identité est gardée secrète, avait réussi à gagner la confiance des dirigeants d'Al-Qaïda dans la péninsule arabique, considérée comme l'une des cellules terroristes les plus actives du globe. L'agent avait reçu une bombe qu'il devait faire sauter dans un vol commercial à destination des États-Unis.

Au lieu de mener à bien sa mission, l'agent s'est enfui aux Émirats arabes unis, puis en Arabie saoudite, où il a remis l'engin explosif à la CIA. Le dispositif perfectionné était dissimulé dans un sous-vêtement et était conçu pour être indétectable par la sécurité des aéroports.

Le fait qu'un agent ait réussi à gagner la confiance d'Al-Qaïda provoquera sans doute de la méfiance et des luttes internes au sein de l'organisation, a signalé M. Zarate.

Fuite aux médias

Hier, le directeur du renseignement national, James Clapper, a annoncé l'ouverture d'une enquête visant à identifier la source de la fuite aux médias, mis au courant de l'opération la semaine dernière. «Nous regardons à l'interne pour déterminer si, oui ou non, il y a eu fuite d'informations confidentielles», a-t-il déclaré.

Le dossier devait rester secret, mais avait été mis au jour par l'Associated Press. L'agence avait accepté de ne pas diffuser la nouvelle sur-le-champ, le temps que l'opération sur le terrain soit bouclée et que les agents impliqués soient hors de danger.

L'agent double, qui est rattaché aux services secrets saoudiens, a aussi pu fournir des informations sur des membres de l'organisation d'Al-Qaïda dans la péninsule arabique. Ces informations ont mené, dimanche, à une attaque fatale d'un drone de la CIA contre Fahd al-Quso, responsable des opérations extérieures de l'AQAP.

Les engins explosifs conçus par l'AQAP sont de plus en plus sophistiqués. L'expert du groupe en fabrications d'explosif, Ibrahim al-Asiri, serait capable d'implanter des bombes de façon chirurgicale à l'intérieur du corps d'un kamikaze, ou d'un animal domestique. Le groupe produirait aussi des engins explosifs pouvant être dissimulés dans des caméras, des ordinateurs portatifs, et même des disques durs externes conçus pour exploser au moment où ils sont branchés à un port USB.

Les mesures de sécurité accrues utilisées depuis peu aux États-Unis et dans les aéroports internationaux ne sont pas nécessairement assez puissantes pour détecter ces engins.

Dans un rapport dévoilé hier, la Direction de la sécurité intérieure américaine note que ses enquêteurs ont identifiés «des vulnérabilités dans le processus de fouille». L'Inspecteur général n'identifie pas les lacunes, mais offre huit pistes de solution dans son rapport.

Ce n'est pas la première fois que les services secrets saoudiens parviennent à déjouer un complot visant un avion de ligne américain. En octobre 2010, ils avaient appris qu'Al-Qaïda au Yémen cherchait à poster des bombes dissimulées dans des cartouches d'imprimantes au laser à destination des États-Unis. Les bombes, qui devaient être transportées à bord des avions de FedEx et d'UPS, avaient été interceptées à temps par les autorités.

LA MENACE YÉMÉNITE

L'expert yéménite d'Al-Qaïda dans la fabrication de bombes, Ibrahim Hassan al-Asiri, à l'origine de la bombe saisie par la CIA, n'a pas été arrêté dans l'opération et serait toujours actif, selon les services de renseignement américains.

CBS News a révélé hier qu'Al-Qaïda dans la péninsule arabique entraînerait actuellement de 5 à 10 individus «de haut niveau» afin de produire d'autres bombes difficiles à détecter que des kamikazes pourraient faire exploser sur eux. Ibrahim Hassan al-Asiri, qui a déjà fabriqué une bombe pour une mission kamikaze menée par son frère cadet, est considéré comme l'un des fabricants de bombes les plus agiles et ingénieux d'Al-Qaïda.

Al-Asiri a survécu à une attaque menée par un drone de la CIA l'an dernier. Il a fabriqué la bombe découverte le jour de Noël 2009 sur un passager d'un vol à destination de Detroit. Elle n'avait pas explosé.

Photo: Archives AP

Ibrahim Hassan al-Asiri