Mis sous pression par ses partenaires en Colombie, le président Barack Obama pourrait revenir avec un bilan mitigé d'un sommet des Amériques qui risque de rester, vu des États-Unis, comme celui du scandale de prostitution impliquant ses gardes du corps.

M. Obama est arrivé vendredi à Carthagène avec un message calibré pour ses électeurs, six mois et demi avant de remettre son mandat en jeu: il allait y défendre leurs intérêts et arrimer davantage la croissance économique américaine à une région dynamique qui absorbe 40% des exportations de son pays.

«Lorsque je parlerai aux autres dirigeants en Colombie (...) je penserai à vous», avait-il affirmé à l'adresse des salariés américains lors d'une escale dans le port de Tampa, une porte de sortie des produits d'exportation américains pour l'Amérique latine située en Floride, un État capital en vue de la présidentielle du 6 novembre.

Mais ses partenaires d'Amérique latine, malgré un accueil formel chaleureux, ne se sont pas satisfaits des compliments de M. Obama sur les avancées «remarquables» de cette région et l'ont interpellé en particulier sur la réintégration de Cuba dans les institutions panaméricaines.

M. Obama avait tenté de contrer à l'avance toute critique sur ce dossier en évoquant samedi «des controverses qui datent de l'époque où je n'étais pas né». M. Obama, qui a vu le jour en 1961, deux ans après la prise de pouvoir des castristes, a aussi rejeté l'assimilation des États-Unis à «la politique de la canonnière (et à) la Guerre froide».

«Ce n'est pas le monde dans lequel nous vivons aujourd'hui», a-t-il argumenté.

La question reste au contraire brûlante, a répliqué son homologue Juan Manuel Santos, pourtant loin d'être un gauchiste, qui a jugé «inacceptable» l'idée d'un prochain «sommet sans Cuba», à l'unisson d'autres dirigeants.

Et Dilma Rousseff, présidente d'un Brésil aux ambitions géopolitiques croissantes, a appelé samedi M. Obama à établir une relation d'«égal à égal» avec l'Amérique latine.

Signe d'une prise de confiance grandissante de ces pays ou de la perte d'influence politique des Etats-Unis dans le sous-continent? Toujours est-il que M. Obama a aussi dû défendre la politique américaine de lutte contre le narcotrafic, en concédant l'utilité d'un «débat», mais sans lâcher sur l'idée d'une dépénalisation.

Forcément prudent dans ses déclarations en public alors que son probable adversaire républicain à la présidentielle, Mitt Romney, l'a déjà accusé de «s'excuser au nom des États-Unis» lors de sommets internationaux, M. Obama pourrait au moins avoir la satisfaction de voir réglés dimanche les derniers détails permettant l'application de l'accord de libre-échange entre Washington et Bogota.

Mais vu depuis les États-Unis, ce sixième sommet des Amériques risque de rester comme celui lors duquel 11 membres du Secret Service, la prestigieuse police fédérale qui protège M. Obama, ont été suspendus après avoir été mis en cause dans une affaire de prostitution à Carthagène. Cinq militaires américains sont aux arrêts dans la même affaire.

Ce scandale a éclipsé la couverture du sommet dans les médias américains et contraint la Maison-Blanche à assurer que le président restait concentré sur son programme officiel.

Deux sommets récents avaient eux aussi vu leur substance passer au second plan aux États-Unis à la suite d'incidents embarrassants pour la Maison-Blanche.

Un micro ouvert lors du sommet sur la sécurité nucléaire fin mars à Séoul avait permis d'entendre le président expliquer à son homologue russe Dmitri Medvedev qu'il «disposerait de plus de flexibilité» après une réélection.

Et en novembre 2011 au G20 de Cannes, là aussi à cause d'un canal audio resté ouvert, des journalistes avaient entendu M. Obama expliquer au Français Nicolas Sarkozy, apparemment pour s'en plaindre, qu'il devait traiter «tous les jours» avec le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou.