Les habitués de la Cour suprême des États-Unis n'avaient pas vu une telle cohue à l'extérieur de l'auguste tribunal depuis la cause Bush contre Gore, qui avait décidé du vainqueur de l'élection présidentielle de 2000.

Étaient rassemblés autour du bâtiment à colonnes hier matin partisans et adversaires de la réforme phare de Barack Obama sur l'assurance maladie, de même que des membres du public qui faisaient la queue depuis vendredi pour assister à la première de trois journées d'audience «historiques» devant les neuf juges de la plus haute juridiction américaine.

En cette deuxième journée d'audience, nous répondons à quatre questions sur les enjeux juridiques et politiques de la loi sur la Protection des patients et les soins abordables, qui est destinée à fournir une assurance maladie à 32 millions d'Américains qui en sont dépourvus.

1) Quelle est la question principale au coeur des débats?

Il s'agit sans contredit du «mandat individuel», cette mesure qui rend obligatoire pour presque tous les Américains de se doter d'une assurance maladie avant 2014, sous peine de sanctions. L'audience d'aujourd'hui sera consacrée à cette question qui alimente la grogne de nombreux républicains et conservateurs contre ce qu'ils appellent l'«Obamacare».

L'avocat de l'administration Obama, Donald Verrilli, défendra la légalité de cette disposition en invoquant notamment la clause de commerce de la Constitution selon laquelle le Congrès a le pouvoir «de réglementer le commerce... entre les divers États». Il fera également valoir que le «mandat individuel» est un élément crucial d'une politique globale pour résoudre un grave problème de santé publique.

Paul Clement, l'avocat des 26 États à l'origine de la plainte, affirmera au contraire que le Congrès a outrepassé ses pouvoirs en imposant ce «mandat individuel». Accepter une telle ingérence dans la vie des gens reviendrait, selon lui, à permettre au Congrès de forcer les Américains à acheter des voitures américaines ou du brocoli.

2) Quelles sont les questions secondaires examinées?

L'audience d'hier portait sur une des questions secondaires débattues dans le cadre de l'examen de la réforme de la santé. La Cour suprême cherchait à déterminer si elle peut juger une mesure dont certaines dispositions (dont le «mandat individuel») ne sont pas encore entrées en application. Selon les experts, les juges ont semblé prêts à se déclarer compétents à rendre un jugement.

L'autre question secondaire sera débattue demain. Il s'agira de décider si la loi du président Obama peut survivre à l'invalidation du «mandat individuel». Fait remarquable, l'avocat de l'administration Obama et celui des 26 États répondent tous les deux à cette question par la négative.

3) Que pense l'opinion publique de la loi?

Deux ans après sa promulgation, la réforme de l'assurance maladie de Barack Obama demeure l'enfant mal aimé de sa présidence. La moitié des Américains (50%) y demeurent opposés, alors que seulement 43% l'approuvent, selon un sondage diffusé par la chaîne de télévision CNN hier après-midi.

Cela dit, seulement trois Américains sur dix souhaitent que la Cour suprême invalide l'ensemble de la réforme. Bon nombre d'Américains (43%) souhaite que la loi soit modifiée, alors que 23% veulent qu'elle demeure inchangée.

Il faut dire que 10% des opposants à la loi ne la trouvent pas assez progressiste.

Si la cote de popularité de la réforme est demeurée largement inchangée chez les démocrates et les républicains, elle est en hausse chez les indépendants: 41% d'entre eux l'approuvent aujourd'hui contre 32% en novembre dernier.

4) Le verdict aura-t-il un impact sur l'élection présidentielle?

L'administration Obama aurait pu tenter de reporter ce rendez-vous avec la Cour suprême après l'élection de novembre. Sa décision de demander à la plus haute juridiction de trancher la question le plus rapidement possible témoigne d'un certain optimisme concernant le verdict, qui devrait tomber en juin.

Ou bien le président Obama pense que les neuf juges, cinq nommés par un président républicain et quatre nommés par un président démocrate, lui donneront raison. Ou bien il croit qu'un verdict négatif ne sera pas fatal à sa cause.

Certains critiques de Barack Obama pensent au contraire que la réforme pourrait le couler, quel que soit le verdict de la Cour suprême. Une victoire du président galvaniserait les membres du Tea Party, croient-ils, alors que la défaite de sa réforme phare constituerait pour lui un revers retentissant.