Depuis plusieurs semaines, les républicains accusent Barack Obama et ses alliés démocrates de bafouer la liberté de religion en obligeant tous les assureurs et employeurs américains à couvrir les frais de contraception dans leurs régimes d'assurance maladie. Leur campagne a cependant déraillé de façon spectaculaire la semaine dernière à la suite d'interventions misogynes de l'animateur de radio Rush Limbaugh.

Avec ses 20 millions d'auditeurs et ses déclarations à l'emporte-pièce, Limbaugh fait partie depuis plusieurs années des figures les plus influentes du mouvement conservateur aux États-Unis. À une époque où le Parti républicain se radicalise tout en peinant à se trouver un candidat présidentiel, il semble même parfois en être devenu LE leader. D'où le tollé soulevé par ses propos au sujet de Sandra Fluke.

>>> Réagissez sur le blogue de Richard Hétu, ici, ici, ici et ici

Dans son émission de mercredi dernier, Limbaugh a traité cette étudiante en droit de l'Université de Georgetown de «salope» et de «prostituée». Militante féministe, Fluke a soulevé l'ire de l'animateur radiophonique en défendant la politique de l'administration Obama en matière de contraception devant les démocrates de la Chambre des représentants - les républicains lui avaient refusé le droit de parole -, ainsi que dans les médias. Selon la jeune femme de 30 ans, photogénique et articulée, cette politique devrait même s'appliquer à Georgetown, plus ancienne université catholique et jésuite des États-Unis, ce qui n'est pas le cas actuellement.

«Une salope, une prostituée»...

«Qu'est-ce que cela fait d'elle?», a demandé Limbaugh à ses auditeurs en parlant de Fluke. Et l'animateur de répondre à sa propre question: «Cela fait d'elle une salope, n'est-ce pas? Cela fait d'elle une prostituée. Elle veut être payée pour avoir des relations sexuelles. Elle a tellement de relations sexuelles qu'elle n'a pas les moyens de couvrir ses frais de contraception.»

La logique n'a jamais été le fort de Limbaugh, qui semble notamment croire que le coût de la pilule contraceptive augmente avec la fréquence des relations sexuelles, un peu comme le Viagra. Mais les démocrates du Congrès ont refusé de laisser passer les propos dégradants de l'animateur à l'endroit de Sandra Fluke, et l'ont sommé de s'excuser.

Le lendemain, loin de s'excuser, Limbaugh en a remis dans le cadre de son émission, invitant Fluke et les «féminazies» à diffuser sur l'internet des vidéos de leurs ébats amoureux pour que les contribuables en aient pour leur argent.

Le même jour, le Sénat a rejeté un amendement républicain qui aurait permis aux assureurs et aux employeurs d'invoquer des raisons religieuses ou morales pour se soustraire à l'obligation de couvrir les frais de contraception.

«Ce combat n'est pas fini», a déclaré après le vote le promoteur de cet amendement, le sénateur républicain du Missouri Roy Blunt.

Mais ce combat, engagé d'abord par le clergé catholique aux États-Unis, ne semble pas être très populaire en dehors de la base républicaine. Selon un récent sondage mené par la Fondation Kaiser, 63% des Américains soutiennent la position de l'administration Obama dans ce dossier, voyant la contraception comme une question médicale plutôt que religieuse ou morale.

Les démocrates jubilent

Les démocrates ont d'ailleurs du mal à cacher leur jubilation devant la campagne des républicains, qu'ils accusent de mener «une guerre contre les femmes». Et Barack Obama n'a pas raté l'occasion de faire preuve de galanterie vendredi en passant un coup de fil à Sandra Fluke afin de l'assurer de son soutien.

«Il voulait exprimer sa déception vis-à-vis des attaques personnelles indécentes qui l'ont visée, et la remercier d'avoir fait valoir ses droits, en tant que citoyenne, à parler d'un sujet d'intérêt public», a déclaré le porte-parole de la Maison-Blanche, Jay Carney.

La réaction pour le moins feutrée des républicains à la misogynie de Rush Limbaugh illustre l'influence du personnage. Le président de la Chambre des représentants, John Boehner, s'est contenté de parler de propos «inopportuns». «Ce n'est pas le langage que j'aurais employé», a déclaré de son côté Mitt Romney, candidat à l'investiture républicaine pour la présidence.

La tempête soulevée par les déclarations de Limbaugh l'aura néanmoins forcé à faire ce qu'il ne fait presque jamais: s'excuser auprès d'une de ses victimes. Sa sincérité a cependant été mise en doute. Dans un mea-culpa publié sur l'internet, l'animateur a comparé les moyens de contraception à des «baskets» et affirmé ne pas avoir voulu attaquer personnellement Sandra Fluke.

Les «excuses» de Limbaugh, faut-il préciser, sont intervenues après que cinq de ses annonceurs eurent décidé de couper leurs liens avec son émission. Deux autres annonceurs les ont imités ce week-end.