Il s'est fait connaître à l'extérieur de l'Arizona en partageant la vedette avec le plus célèbre des sénateurs de cet État, John McCain, dans une pub diffusée à la veille des élections de mi-mandat de 2010.

«Vous êtes un des nôtres», disait Paul Babeu, shérif du comté de Pinal, à l'ancien candidat républicain à la présidence, tout en marchant à l'ombre d'une clôture érigée le long de la frontière avec le Mexique pour barrer la route aux immigrés clandestins.

«Nous compléterons cette maudite clôture», le rassurait McCain, qui allait conserver son siège au Sénat.

Avec son crâne poli comme une boule de billard, le shérif Babeu est vite devenu une figure emblématique de la lutte contre l'immigration illégale aux États-Unis. La chaîne Fox News a fait de lui un de ses intervenants réguliers sur cette question explosive. Et Mitt Romney l'a nommé coprésident de sa campagne présidentielle dans l'Arizona, voyant en lui une étoile montante du Parti républicain.

Paul Babeu semblait effectivement être parti pour la gloire, ou plus précisément pour la Chambre des représentants, où il voulait se faire élire à l'occasion des élections de novembre. Il finira peut-être par y parvenir, mais il devra se présenter à l'électorat sous une nouvelle identité: celle d'un homosexuel qui a eu pour amant un émigré mexicain pendant plusieurs années.

Aveu

Le shérif de 43 ans a dû passer aux aveux hier après avoir été mis en cause dans une affaire d'abus de pouvoir. Il est accusé d'avoir menacé d'expulser son ex-amant vers le Mexique si ce dernier évoquait publiquement leur relation passée.

«Ces accusations sont absolument, complètement fausses, sauf pour la partie qui concerne mon orientation sexuelle. Parce que c'est la vérité. Je suis gai», a déclaré Babeu lors d'une conférence de presse.

Le shérif a démissionné de son poste de coprésident de la campagne présidentielle de Romney en Arizona, un des deux États qui tiendront des primaires le 28 février (l'autre est le Michigan). Mais il a affirmé ne pas avoir l'intention de renoncer à ses propres ambitions politiques.

«Je veux être jugé pour mon service - 20 ans dans l'armée, deux déploiements, dont un en Irak - un officier de police qui a répondu à des milliers d'appels à l'aide, et un shérif qui a réduit les temps de réponse tout en réduisant mon propre budget», a-t-il déclaré.

Allégations d'abus de pouvoir

Le coming out du shérif du comté de Pinal est survenu après la publication d'un article dans le Phoenix New Times faisant état des allégations d'un immigré mexicain de 34 ans identifié sous le prénom de José. En plus d'évoquer les menaces d'expulsion formulées par le shérif, José a confié à l'hebdomadaire que son ex-amant avait envoyé plusieurs photos compromettantes de lui-même par l'entremise de l'internet à un autre homme rencontré sur un site web appelé Adam4Adam.

L'article du New Times est accompagné de photos montrant Babeu devant un miroir et en compagnie de son ancien compagnon mexicain.

La situation du shérif ne peut être comparée à celle des télévangélistes ou des politiciens qui sont forcés d'avouer piteusement leurs infidélités conjugales devant des caméras de télévision. Après tout, Paul Babeu est célibataire et doit être considéré innocent des accusations d'abus de pouvoir jusqu'à preuve du contraire.

Mais l'électorat conservateur qu'il courtise pourrait ne pas accepter d'élire à la Chambre un homosexuel qui compte au moins un Mexicain d'origine parmi ses amants.

«Je serais surpris qu'il reste dans la course», a déclaré Bruce Merrill, politologue à l'Université de l'État d'Arizona. «C'est la fin de sa carrière politique.»