Au dire de Newt Gingrich, prétendant républicain à la présidence, Barack Obama «a déclaré la guerre à l'Église catholique», dont les membres constituent un des électorats les plus importants aux États-Unis.

L'ancien président de la Chambre des représentants se complaît dans l'enflure, c'est entendu. Mais l'Église catholique, du pape Benoît XVI à ses évêques américains, en passant par plusieurs de leurs fidèles, semble partager son opinion.

Mais de quelle «guerre» parle-t-on au juste?

Il faut remonter au 20 janvier pour comprendre l'indignation de la hiérarchie catholique et de ses alliés à l'égard de l'administration Obama. Ce jour-là, la ministre de la Santé américaine, Kathleen Sebelius, elle-même catholique, a exigé que la contraception, la pilule abortive et la stérilisation soient incluses dans les plans d'assurance santé de plusieurs employeurs américains, y compris les hôpitaux, les écoles et les services sociaux de l'Église catholique.

Jusqu'alors, ces institutions nourrissaient l'espoir d'être exemptées des nouvelles règles, et ce, même si leurs plans santé sont subventionnés par le gouvernement fédéral dans le cadre de la réforme du système de santé promulguée par le président Obama. Or, après un examen dit minutieux, l'administration démocrate a décrété que les employées des institutions catholiques, qu'elles appartiennent ou non à cette religion, avaient droit aux mêmes services que les autres Américaines bénéficiant de couvertures santé semblables.

Le pape s'en mêle

Les évêques américains ont exprimé leur opposition le jour même de l'annonce des nouvelles règles, auxquelles les institutions religieuses ont jusqu'au 1er août 2013 pour se conformer.

«Cela signifie que nous avons un an pour nous demander comment violer nos consciences», a déclaré Timothy Dolan, archevêque de New York et président de la conférence épiscopale.

«Nous sommes tentés de baisser les bras face à un gouvernement qui considère la conception, la grossesse et la naissance comme une maladie à guérir», a-t-il ajouté.

Le pape a apporté son soutien à l'archevêque new-yorkais, dénonçant le «sécularisme radical» dans un message où il a fait allusion sans les mentionner directement aux nouvelles règles de l'administration Obama.

«La séparation légitime de l'Église et de l'État ne peut signifier que l'Église reste silencieuse sur certaines questions», a déclaré Benoit XVI.

Et les membres du clergé américain ont continué à pourfendre la nouvelle politique dans des lettres lues dimanche dernier à leurs fidèles. L'évêque de Pittsburgh, David Zubik, a notamment retenu l'attention en traduisant ainsi le message de l'administration Obama aux catholiques américains: «Allez au diable!»

Certains catholiques progressistes, dont le chroniqueur du Washington Post E.J. Dionne, ont également critiqué les nouvelles règles. «L'administration aurait dû faire davantage pour concilier les libertés des parties prenantes», a écrit le journaliste.

Le président Obama n'a pas encore réagi publiquement à la controverse. Jusqu'ici, la Maison-Blanche s'est contentée de répondre aux critiques dans un blogue publié sur son site internet. Elle a notamment précisé que les Églises elles-mêmes n'auraient pas à se soumettre aux nouvelles règles.

Les adversaires républicains du président ont été beaucoup moins discrets. Sans parler de «guerre», Mitt Romney a accusé Barack Obama de forcer «les organisations religieuses à violer leur conscience». Le sénateur républicain de Floride, Marco Rubio, candidat potentiel à la vice-présidence, a pour sa part déposé un projet de loi destiné à abroger les nouvelles règles de la ministre de la Santé.

Électorat infidèle

Les catholiques américains, dont le nombre s'élève à près de 70 millions, forment non seulement un des électorats les plus importants, mais également les plus changeants. En 2008, 54% d'entre eux ont voté pour Barack Obama, contribuant à sa victoire contre John McCain. Mais George W. Bush avait obtenu 52% de leurs suffrages en 2004 face à un catholique, John Kerry, dont la défense du droit à l'avortement l'avait exposé aux critiques de certains évêques.

Bien entendu, les catholiques américains ignorent largement les règles de leur Église concernant la contraception. On peut d'autre part se demander jusqu'à quel point Mitt Romney, favori de la course à l'investiture républicaine, pourrait exploiter cette controverse face à Barack Obama. Après tout, il a lui-même défendu des règles semblables à l'époque où il était gouverneur du Massachusetts.

Mais une chose est certaine: les évêques américains sont en révolte contre le président de leur pays.