Josue Rafael Orellana Garcia n'avait que 17 ans lorsqu'il a rejoint sa mère aux États-Unis pour échapper au recrutement et aux menaces de mort d'un gang au Honduras. Sa mère se bat aujourd'hui pour obtenir le droit d'asile à titre posthume pour son fils, renvoyé dans son pays d'origine où il a été retrouvé mort l'an dernier, à 20 ans, le corps criblé de balles.

La famille, explique son avocat, Me Joshua Bardavid, veut que le gouvernement fédéral américain reconnaisse que «tout le système a laissé tomber» le jeune Hondurien et attirer l'attention sur des milliers d'autres jeunes gens d'Amérique centrale qui se trouvent dans la même situation.

Josue avait été expulsé en 2010, son dossier, déposé en 2008, ayant été rejeté. Sa mère, Josepha Rafaela Garcia Mejia, vit dans le New Jersey, bénéficiant d'un programme qui permet aux ressortissants de certains pays de travailler aux États-Unis. Elle affirme que ce sont les gangs ultra-violents sévissant en Amérique centrale qui ont tué le plus jeune de ses quatre fils, parce qu'il refusait de s'enrôler dans leurs rangs.

Selon sa mère, Josue, qui avait perdu un oeil en 1998 dans l'ouragan Mitch et était quasiment sourd, se plaignait souvent au téléphone des menaces et attaques du gang actif dans leur quartier de San Pedro Sula. Il avait fini par la rejoindre dans le New Jersey pour leur échapper.

Lorsque le juge lui avait demandé, en juillet 2009, pourquoi il n'avait jamais porté plainte, il avait répondu que «la police avait peur de venir dans (son) quartier». Renvoyé au Honduras en mars 2010, Josue a disparu le 23 juillet 2011. Son corps a été retrouvé trois jours plus tard dans des bois voisins. «S'ils n'avaient pas expulsé mon garçon, il ne serait pas mort», accuse sa mère.

L'affaire pose la question de la prise en compte dans les critères du droit d'asile des formes modernes de violence, comme celle des gangs, qui divise les spécialistes de l'immigration. Car pour obtenir l'asile aux États-Unis, les demandeurs doivent prouver qu'ils sont persécutés du fait de leur ethnie, religion, nationalité, opinions politiques ou appartenance à un groupe social, et que les autorités de leur pays ne veulent ou ne peuvent pas les protéger.

Dans le cas de Josue, le juge des services d'immigration (USI) Frederic Leeds, siégeant à Newark, avait trouvé les allégations crédibles, mais les menaces visant le jeune homme et la famille insuffisamment documentées, pour pouvoir constituer un précédent.

Certains spécialistes estiment pourtant que la notion de groupe social protégé pourrait s'étendre aux personnes menacées de recrutement forcé par les gangs, explique Dana Leigh Marks, présidente de l'Association nationale des juges de l'immigration. «Il y a ceux pour qui le droit d'asile doit être modernisé et ceux pour qui ce n'est qu'une solution limitée qui n'est pas censée résoudre tous les problèmes et s'appliquer à tout le monde», résume-t-elle.

En 2010, le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) avait appelé les instances décisionnaires à étendre le droit d'asile aux victimes de bandes organisées.

Les opposants à l'élargissement des critères font valoir que le système d'immigration américain est déjà surchargé. «Il n'y a pas de limite aux catégories qu'on pourrait ajouter. Il y a tellement d'oppression dans le monde», souligne Steven Camarota, directeur de recherche au Centre d'étude de l'immigration, qui cite notamment la condition féminine dans certains pays. Son institut, basé à Washington, prône un durcissement des critères et estime que tous les aspects de l'immigration devraient relever du Congrès, pas des tribunaux.

Interrogé par l'Associated Press sur l'affaire Orellana, Ricardo Estrada, haut responsable de l'Immigration à l'ambassade du Honduras à Washington, dit ne pas connaître ce dossier, mais ajoute que «son histoire est probablement vraie étant donné la situation».

«Malheureusement, notre pays traverse une crise de violence. Le problème est énorme et le gouvernement essaie vraiment de s'attaquer à la question de la sécurité, mais c'est très difficile pour un gouvernement aux ressources minimes par rapport à celles des cartels de la drogue, qui sont souvent mieux armés que la police», souligne-t-il.

Le Honduras présente le taux d'homicides le plus élevé du monde, selon l'ONU, qui recense 6200 meurtres en 2010, soit 82,1 pour 100 000 habitants, pour une population d'environ huit millions. L'organisation américaine de coopération des Peace Corps a retiré tous ses volontaires ce mois-ci pour des raisons de sécurité et Washington a accepté la semaine dernière de dépêcher des experts pour épauler le gouvernement hondurien sur «les questions de sécurité des citoyens».

Dans sa requête soumise en décembre à la chambre d'appel du Bureau de l'immigration (BIA), Me Bardavid argue que l'exécution du jeune Orellana prouve qu'il risquait sa vie en rentrant dans son pays: c'est l'un des critères du droit d'asile.