L'enquête sur les marines urinant sur des cadavres avançait à grands pas vendredi, sous la pression des dirigeants américains soucieux de prévenir un embrasement de la rue afghane qui risquerait de tuer dans l'oeuf les perspectives de discussions avec les talibans.

Quatre jeunes soldats se soulageant, sourire aux lèvres, sur les cadavres ensanglantés de trois Afghans: depuis sa mise en ligne sur l'internet il y a deux jours, les images ont fait le tour du monde et horrifié les principaux responsables politiques et militaires américains, consternés par un acte «lamentable», selon les termes de secrétaire à la Défense Leon Panetta.

Celui-ci a promis jeudi une «enquête immédiate et approfondie», confiée par le patron des marines, corps d'élite de l'armée américaine, au Service d'enquête criminelle de la Marine (NCIS).

Les premiers résultats n'ont pas tardé. La vidéo est authentique et les quatre marines ont été identifiés. Deux d'entre eux «ont été interrogés» par le NCIS mais «ne sont pas en détention» à ce stade, a confié à l'AFP un responsable militaire s'exprimant sous couvert d'anonymat pour ne pas empiéter sur l'enquête judiciaire en cours.

Les quatre soldats appartenaient à une unité de tireurs d'élite du 3e bataillon du 2e Régiment de Marines, basée à Camp Lejeune en Caroline du Nord.

Leur unité a été déployée dans le nord de la province du Helmand (sud-ouest de l'Afghanistan) entre mars et septembre 2011, période durant laquelle la vidéo a «sans doute» été tournée.

Les deux marines interrogés sont toujours basés à Camp Lejeune, la nouvelle affectation des deux autres n'a pas été précisée dans l'immédiat.

Tous pourraient être passibles de cour martiale pour avoir violé le code de justice militaire américain, ainsi que les conventions de Genève qui prévoient que les corps des ennemis soient traités avec respect.

Un général trois étoiles mène l'enquête

Un général trois-étoiles des marines a été désigné pour superviser l'enquête administrative sur les marines que l'on voit uriner sur des cadavres d'Afghans dans une vidéo, signe de l'importance accordée par le Pentagone à l'affaire, a annoncé vendredi le corps des Marines.

Thomas Waldhauser, le «lieutenant général», commande l'ensemble des marines dépendant du Central Command (Central Command), le commandement américain pour tout le Moyen-Orient, et le sud-ouest de l'Asie.

À ce titre, «il pourra initier toute action nécessaire et prendre les mesures administratives nécessaires et intenter des actions disciplinaires», précise le corps d'élite de l'armée américaine dans un communiqué.

L'enquête va également s'intéresser à l'homme qui a filmé la scène, vraisemblablement un compagnon d'armes ainsi qu'à la chaîne hiérarchique afin d'identifier d'éventuelles déficiences dans les méthodes de commandement, a expliqué à l'AFP un autre responsable militaire.

Les responsables d'unité, qui sont responsables de la tenue de leurs hommes, pourraient donc également être inquiétés en fonction des résultats de l'enquête, a-t-il expliqué.

La célérité avec laquelle le Pentagone a enquêté et communiqué sur cet incident a pour but de déminer la situation.

Jeudi le président Hamid Karzaï s'est dit «profondément perturbé» par cette «profanation des corps» et a exigé du gouvernement américain «la punition la plus sévère» pour les coupables. Leon Panetta l'a appelé pour lui assurer que le forfait ne serait pas impuni, a immédiatement fait savoir le Pentagone.

La période est critique pour Washington alors que l'aval du président Karzaï est nécessaire aux Américains avant d'éventuelles discussions avec les talibans.

Quelques heures avant la diffusion de la vidéo, la chef de la diplomatie américaine Hillary Clinton s'était félicitée de «déclarations positives» d'Hamid Karzaï -qui s'est auparavant montré très hostile à toute discussion avec les talibans- sur l'ouverture d'un bureau politique taliban au Qatar.»

L'émissaire américain pour la région, Marc Grossman, doit se rendre la semaine prochaine en Afghanistan et au Qatar pour poursuivre les consultations dans cette perspective.

L'affaire de la vidéo pourrait faire tout capoter, craignent les responsables américains, notamment si la population afghane s'embrasait et poussait le président Karzaï à durcir sa position.

Mais le calme a prévalu vendredi en Afghanistan où l'on prédisait de violentes manifestations antiaméricaines après la grande prière du vendredi.

L'indignation relayée par les télévisions afghanes ne s'était pas encore propagée dans la rue, qui réagit pourtant souvent avec violence à tout comportement jugé indigne des soldats étrangers. Mais ces dernières années, d'autres cas, notamment de profanations du Coran ou de la mort de civils afghans, ont montré que les manifestations peuvent prendre plusieurs jours pour s'organiser.

Leur unité a été déployée dans le nord de la province du Helmand (sud-ouest de l'Afghanistan) entre mars et septembre 2011, période durant laquelle la vidéo a «sans doute» été tournée.

«Les deux autres soldats visibles sur la vidéo devraient être identifiés «dans la journée», a ajouté le responsable. Membres de la même unité à l'époque, ils ont vraisemblablement depuis été transférés sur une autre base.

Tous pourraient comparaître devant la cour martiale pour avoir violé le code de justice militaire américain, ainsi que les conventions de Genève qui prévoient que les corps des ennemis soient traités avec respect.

L'enquête pourrait en outre inquiéter d'autres personnes, a indiqué à l'AFP un autre responsable militaire, notamment l'homme qui a filmé la scène, vraisemblablement un compagnon d'armes.

Les enquêteurs vont aussi se pencher sur la chaîne hiérarchique. Si l'enquête met au jour des méthodes de commandement déficientes, qui auraient pu favoriser de tels comportements, les responsables seront punis, a-t-il dit.

Les principaux responsables politiques et militaires américains ont exprimé leur consternation, horrifiés par un acte «lamentable». Le secrétaire à la Défense Leon Panetta, lors d'une conversation téléphonique avec le président afghan Hamid Karzaï qui a dénoncé un «acte barbare» et «sauvage», a promis jeudi une «enquête immédiate et approfondie».