Le procès du sergent Frank Wuterich, accusé d'être responsable du «massacre de Haditha», dans lequel 24 civils irakiens ont été tués, vient de s'ouvrir, à la base de Camp Pendleton, en Californie. Il s'agit du pire crime de guerre reproché aux Américains en Irak.

La bonbonne de gaz propane enfouie sous la chaussée a éclaté à 7h15, à Haditha - 240 km au nord-ouest de Bagdad -, au moment où un convoi de Humvee américains a roulé dessus. Au volant de l'un des véhicules, le caporal Miguel Terrazas, 20 ans, originaire d'El Paso, au Texas, est mort sur le coup.

Trois heures plus tard, les cadavres de 24 hommes, femmes et enfants irakiens gisaient dans la rue, dans les ruelles et dans plusieurs maisons du quartier. Tous avaient été tués par les marines, qui leur ont logé une balle dans le thorax ou la tête, souvent à bout portant.

Les marines affirment avoir reçu des coups de feu après l'explosion de la bombe et disent que leur réaction était justifiée.

Selon des témoins, les Américains ont perdu la tête et, sous l'emprise de la colère, ont méthodiquement tué toute personne présente -femmes, vieillards, étudiants, enfants.

Ce matin-là, le 19 novembre 2005, c'est le sergent Frank Wuterich qui donnait les ordres. Aujourd'hui âgé de 31 ans, Wuterich fait face à neuf chefs d'accusation de meurtre prémédité pour le «massacre de Haditha», le pire crime de guerre reproché aux troupes américaines en Irak.

Son procès a débuté lundi à Camp Pendleton, près de San Diego, la plus grande base de marines du monde. Le major Nicholas Gannon, de la poursuite, a déclaré avoir la preuve «qu'aucune des victimes ne représentait une menace» pour la sécurité des marines.

Wuterich a plaidé non coupable. «Nous sommes certains que la vérité sur ce qui s'est passé à Haditha sera mise au jour et que le sergent Wuterich sera acquitté de toutes les accusations qui pèsent sur lui», a dit son avocat, Neal Puckett.

Du «bon boulot»

Les marines ont d'abord dit que les civils étaient morts dans l'explosion d'une bombe. Après avoir visionné une vidéo amateur prise au lendemain de la tuerie, un reporter du magazine Time a mis en doute cette version, ce qui a poussé les marines à entreprendre une enquête, puis des démarches judiciaires.

Selon les enquêteurs, Wuterich a ordonné à ses hommes d'entrer dans les maisons et d'utiliser des grenades et des armes automatiques pour tuer des civils.

Wuterich, qui n'avait pas d'expérience de combat avant le matin fatidique, a fait des déclarations capitales à une équipe de l'émission 60 Minutes en affirmant que les marines avaient «répondu à ses ordres» et qu'ils avaient fait du «bon boulot». Ses avocats se sont battus durant des années pour bloquer la diffusion des bandes vidéo inédites. En vain: elles seront présentées à son procès.

David Glazier, professeur à l'École de droit Loyola, à Los Angeles, estime que l'issue du procès est difficile à prévoir. «Les jurés, qui sont des militaires, peuvent dire: «Des dizaines de milliers d'entre nous sont allés dans les zones de guerre sans y tuer de civils.» Ils peuvent aussi conclure que le marine a été pris dans le brouillard de la guerre ce matin-là.»

Bob Weimann, du groupe Defend Our Marines, croit quant à lui que Wuterich est injustement accusé. «Oui, «l'accusé» est responsable de 19 morts, tout comme son chef de peloton, le commandant de sa compagnie et celui de son bataillon, jusqu'au président des États-Unis, note-t-il. Or, ces morts sont légales puisqu'elles ont eu lieu en zone de combat, comme le définissent les règles d'engagement.»

Huit marines avaient été accusés dans cette affaire, mais sept ont été acquittés. La marine américaine a versé 38 000$ à 15 familles des victimes.

-Avec AP