L'armée américaine a quitté dimanche à l'aube l'Irak, près de neuf ans après l'avoir envahi et renversé le dictateur Saddam Hussein, laissant ce pays riche en pétrole, plongé dans une grave crise politique.

Le dernier convoi composé de 110 véhicules transportant environ 500 soldats appartenant en grande majorité à la 3ème brigade de la 1ère division de cavalerie a traversé la frontière à 07h30 (23h30 heure du Québec).

Il y a huit ans et neuf mois, les forces américaines l'avaient franchie dans l'autre sens lors de l'«Opération Iraqi Freedom» (Opération Liberté irakienne) qui devait se révéler être la guerre la plus controversée de l'histoire américaine depuis celle du Vietnam près d'un demi-siècle plus tôt.

L'armée américaine a compté jusqu'à 170 000 hommes au plus fort de la lutte contre l'insurrection et a abandonné 505 bases en Irak. Il ne restera plus dans ce pays que 157 soldats américains chargés d'entraîner les forces irakiennes et un contingent de Marines pour protéger l'ambassade à Bagdad.

«C'est agréable de savoir que c'est notre dernière mission ici. Nous écrivons une page d'histoire, vous savez, nous sommes les derniers à partir», a affirmé le soldat Martin Lamb, qui fait partie du dernier convoi.

Face au refus de l'Irak d'accorder l'immunité à des milliers de soldats américains chargés de poursuivre la formation, le président Obama avait décidé, le 21 octobre, le retrait total des troupes. La dernière escouade a quitté dans la nuit de samedi à dimanche le camp de l'imam Ali pour les Irakiens et Adder pour les Américains près de Nassiriya, dans le sud.

Les Américains laissent un pays plongé dans une crise politique, avec la décision du bloc laïque Iraqiya de l'ancien Premier ministre Iyad Allaoui, de suspendre à partir de samedi sa participation aux travaux du Parlement.

Second groupe parlementaire avec 82 députés contre 159 à l'Alliance nationale, coalition des partis religieux chiites, il dresse un réquisitoire contre la politique du premier ministre Nouri al-Maliki.

«Iraqiya refuse la politique consistant à oeuvrer en ignorant les autres partis, la politisation de la justice, l'exercice solitaire du pouvoir, la violation de la loi», assure le communiqué.

«Cette manière d'agir pousse les gens à vouloir se débarrasser de la main de fer du pouvoir central d'autant que la Constitution les y autorise», faisant allusion aux récents votes en faveur de l'autonomie des provinces à majorité sunnite d'Anbar, Salahedinne et Diyala.

S'estimant lésés par le gouvernement à majorité chiite, les sunnites, jadis partisans d'un état centralisé, sont aujourd'hui portés par un mouvement centrifuge à vouloir gérer leurs régions de manière autonome, comme les Kurdes, ce qui comporte un risque d'éclatement du pays.

Si l'Irak exporte environ 2,2 millions de b/j, lui rapportant 7 milliards de dollars par mois, les services de base comme la distribution d'électricité et l'eau potable sont toujours défectueux.

Désormais, les 900 000 éléments des forces irakiennes auront la lourde tâche d'assurer seuls la sécurité du pays alors que les insurgés, notamment Al-Qaïda, bien qu'affaiblis, peuvent encore faire couler le sang. Ils devront aussi empêcher la résurgence des milices et une réédition d'une guerre confessionnelle entre chiites et sunnites qui avait des dizaines de milliers de morts en 2006 et 2007.

Deux autres dangers menacent le pays: la crise en Syrie entre sunnites et alaouites ainsi que l'influence grandissante de l'Iran qui pourrait conduire à des conflits internes.

Ainsi s'achève une invasion lancée sans l'aval de l'ONU pour trouver des armes de destruction massive que Saddam Hussein aurait cachées selon l'administration américaine dirigée par George W. Bush. Il s'avérera que celles-ci n'existaient pas.

Cette occupation en 2003, qui deviendra selon l'ONU à partir de 2005 une «présence étrangère requise par le gouvernement irakien», aura été fort onéreuse.

Le Pentagone a alloué près de 770 milliards de dollars en neuf ans alors que 4474 soldats sont morts, dont 3518 tués au combat. Plus de 32 000 militaires américains ont par ailleurs été blessés.

Par ailleurs depuis l'invasion américaine du pays en mars 2003, les pertes civiles s'étaleraient entre 104 035 et 113 680, selon l'organisation britannique IraqBodyCount.org.