L'armée américaine a reconnu mardi avoir égaré ou mélangé dans une morgue des restes humains provenant de soldats morts au combat, une nouvelle affaire embarrassante pour le Pentagone, qui a déjà perdu trace de milliers de soldats enterrés au cimetière militaire d'Arlington.

Le chef d'état-major de l'armée de l'Air, le général Norton Schwartz, s'est montré atterré en présentant les conclusions d'une enquête interne lors d'une conférence de presse, alors qu'il n'y a selon lui «rien de plus sacré que de  traiter nos morts avec respect et dignité».

L'affaire vise la morgue de la base aérienne de Dover, au Delaware, par laquelle ont transité depuis 2003 plus de 6300 corps de soldats américains, essentiellement tombés en Irak ou en Afghanistan, avant que les dépouilles ne soient rendues aux familles.

Trois employés de la morgue ont dénoncé au printemps 2010 des mauvaises pratiques, provoquant l'ouverture d'une enquête interne dont les conclusions ont été rendues publiques mardi.

L'enquête, qui s'est concentrée sur la période 2008-2010, pointe une «mauvaise gestion flagrante» des responsables de la morgue, dont trois d'entre eux ont été sanctionnés.

Rétrogradés ou réaffectés ailleurs, ils ont évité le licenciement simplement parce qu'ils n'avaient pas agi «délibérément» mais que le système de gestion de la morgue présentait des problèmes «systémiques», selon le général Schwartz.

Quatre cas ont particulièrement été mis en lumière au cours de l'enquête. Dans l'un d'eux, en avril 2009, la cheville d'un soldat tué en Afghanistan avait disparu du sac plastique dans lequel elle était censée se trouver, selon le Washington Post.

Deux autres cas sont liés à la disparition d'un reste humain retrouvé sur l'épave d'un F15 accidenté en Afghanistan et dont les deux membres d'équipage avaient été tués.

Le dernier implique un Marine tué par une mine artisanale et dont la famille avait réclamé que la dépouille soit présentée pour les funérailles vêtue de son uniforme.

Mais à la suite de l'explosion, le bras se trouvait positionné à 90 degrés du corps. Les employés de la morgue n'ont eu d'autre choix que de le couper pour pouvoir vêtir la dépouille de l'uniforme, le bras sectionné étant placé au fond du cercueil.

Rapportant les conclusions de l'enquête, le général Schwartz a affirmé que les employés de la morgue avaient «fait ce qu'il fallait» étant donné le souhait de la famille mais qu'ils auraient formellement dû la consulter avant une telle opération.

Disant endosser la responsabilité de ces dysfonctionnements, le général Schwartz a expliqué que le soin apporté aux dépouilles est «un domaine où le niveau d'exigence est la perfection».

«Nous sommes tous déterminés à traiter nos morts comme s'il s'agissait de notre propre fils ou fille», a-t-il assuré.

L'affaire de la morgue de Dover est toutefois embarrassant pour le Pentagone après le scandale révélé en juillet 2010 de la gestion du prestigieux cimetière militaire d'Arlington, près de Washington.

Un rapport du Sénat avait alors révélé qu'entre 4900 et 6600 tombes sont ornées d'une pierre sans aucune inscription ou que dans certaines d'entre elles reposerait un autre défunt que celui dont le nom est indiqué sur la pierre tombale.

L'utilisation d'un système de gestion automatisé avait été mis en cause et plusieurs enquêtes ouvertes. Le cimetière d'Arlington abrite quelque 300 000 tombes, des militaires pour la plupart mais aussi des personnalités politiques, comme le président John Kennedy.