Si le président américain a réussi in extremis à ne pas faire sombrer son pays vers un défaut de paiement, il a perdu la confiance de sa base qui l'accuse d'avoir capitulé face aux conservateurs à l'approche de la présidentielle de 2012, commentent des analystes mardi.

Barack Obama et ses alliés démocrates du Congrès «se sont fait rouler» dans la farine par leurs adversaires républicains avec le compromis sur la dette scellé dimanche soir et adopté définitivement mardi, assure Dante Scala, professeur de sciences politiques à l'Université du New Hampshire (nord-est).

«À court terme, le président a pris un coup» et, même si un potentiel défaut de paiement catastrophique a été évité, «il a perdu cette bataille», ajoute-t-il.

Barack Obama a suscité les foudres de la frange la plus à gauche du parti démocrate qui l'accuse d'avoir renoncé à mettre fin aux exemptions fiscales pour les plus riches, mesure que les démocrates défendaient avec acharnement pour contrebalancer les coupes budgétaires.

L'accord final sur le relèvement du plafond de la dette, voté à la Chambre lundi et au Sénat mardi, prévoit en effet des réductions budgétaires de 2100 milliards de dollars sur dix ans mais sans augmentation d'impôts d'aucune sorte.

Les critiques restent vives sur ce point. Et ce, même si le président a réussi à obtenir de ses adversaires que le plafond de la dette soit suffisamment relevé pour tenir jusque fin 2012, et pour que des programmes sociaux comme Medicare, pour les personnes âgées, ne soient pas touchés. Ces deux derniers aspects de l'accord ont d'ailleurs été vivement critiqués par les plus conservateurs des républicains.

Selon les analystes, ce qui a également affecté le président est le spectacle d'élus des deux bords ne parvenant pas à se mettre d'accord sur la dette et brandissant à l'envi la menace d'un défaut de paiement de la première puissance économique mondiale.

Au milieu, Barack Obama n'a réussi à convaincre le Congrès de parvenir à un accord qu'à la dernière minute, après des semaines de blocage qui ont poussé les agences de notation à menacer les États-Unis d'abaisser leur note financière.

La Maison Blanche continue néanmoins de clamer que l'accord est une «victoire pour le peuple américain». Mais son porte-parole Jay Carney a reconnu que le processus pour parvenir à un compromis avait été «un désordre total (...) quelquefois même un véritable cirque».

La cote de popularité du président Obama est descendue à 40%, selon le dernier sondage de l'institut Gallup, tandis que celui du Congrès est encore plus faible.

La capacité du président à «faire passer au Congrès des législations qu'il défend a été profondément affectée», souligne Peter Kastor, maître de conférences à l'Université Washington de Saint-Louis (Missouri, centre).

Barack Obama a pris ses fonctions en 2008 avec un Congrès entièrement aux mains des démocrates. Mais en novembre 2010, les républicains ont repris le contrôle de la Chambre des représentants avec dans leurs rangs de nouveaux élus ultra-conservateurs de la mouvance du «tea party», prônant des coupes drastiques dans les dépenses publiques et bannissant toute forme d'impôts.

Des épisodes comme les négociations sur la dette «peuvent démolir une présidence», lance Peter Kastor, rappelant que Barack Obama briguera un second mandat lors de la présidentielle de 2012.

Le New York Times a reproché au président sa «capitulation quasi totale» face aux conservateurs, tandis que le prix Nobel d'Economie Paul Krugman a souligné que M. Obama avait déjà cédé face aux républicains en décembre avec le compromis sur la prolongation des exemptions fiscales datant de l'ère Bush, ou encore au printemps pour éviter un arrêt du gouvernement.

Le professeur Kastro soulève cependant qu'il est difficile d'anticiper l'impact de cette crise sur l'élection de 2012 car «il reste encore beaucoup de temps» et «beaucoup choses peuvent relancer l'économie».