Qu'ils soient pro-armes ou anti-avortement, les groupes de pression sont légion à Washington, mais celui qui éclipse tous les autres peut se targuer d'avoir l'oreille de la Maison-Blanche et des élus du Congrès: l'AIPAC, principal lobby pro-Israël aux États-Unis.

Qu'il le veuille ou non, Barack Obama, à l'heure de prendre publiquement position sur le processus de paix -grippé- entre Israël et les Palestiniens, est bien obligé de compter avec l'AIPAC.

Pour preuve: dimanche dernier, c'est devant le congrès annuel de l'organisation à Washington que le président a tenté de calmer le jeu après avoir réitéré son idée de deux États, israélien et palestinien, basés sur les frontières de 1967 adaptées.

Et même s'il a salué les efforts du président américain en faveur de la paix, le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a pu à cette même tribune le lendemain rejeter ces frontières «indéfendables», sans être contredit par qui que ce soit.

Acclamé mardi devant les deux chambres du Congrès, M. Nétanyahou s'est en fait exprimé devant des élus dont les deux tiers l'avaient déjà applaudi à tout rompre la veille au congrès de l'AIPAC.

«C'est sans aucun doute le groupe de pression le plus sophistiqué et le plus efficace de Washington», affirme Aaron David Miller, conseiller de plusieurs secrétaires d'État et chercheur au Woodrow Wilson International Center.

Lorsque la tension entre Barack Obama et Benyamin Nétanyahou a éclaté au grand jour, l'un des hauts responsables de l'AIPAC, Howard Kohr, s'est permis d'endosser les habits d'arbitre entre les deux hommes.

Les dirigeants, a-t-il dit, doivent «résoudre leurs différends en privé, et lorsque des tensions se font jour, les dirigeants doivent travailler ensemble pour aplanir leurs divergences».

L'American Israel Public Affairs Committee tire son aplomb de l'histoire commune entre Israël et son allié de toujours. Né dans les années 60, à une époque où la survie de l'État hébreu n'était pas garantie, l'organisation a travaillé à promouvoir l'idée qu'Américains et Israéliens défendaient les mêmes valeurs, tout en s'assurant que Washington verse bien chaque année des milliards de dollars d'aide à Israël.

En sous-main ou parfois au grand jour, l'AIPAC incite le Congrès à adopter une politique favorable à Israël, en se prononçant par exemple pour des sanctions plus sévères contre l'Iran.

«Certains groupes de pression font la promotion des cigarettes, d'autres des armes, et d'autres encore, des personnes âgées», explique Aaron David Miller. L'AIPAC, affirme-t-il, «vend par définition un très bon produit».

Mais pour certains, le poids politique que l'AIPAC s'est arrogé est devenu trop important.

Car même si l'organisation ne contribue pas financièrement à la campagne de tel ou tel candidat, il n'en va pas de même pour ses membres.

En 2007, John Mearsheimer (Université de Chicago), et Stephen Walt (Harvard), ont publié «Le lobby israélien et la politique étrangère américaine». Les deux chercheurs y accusent l'AIPAC de «prendre le Congrès américain en otage», notamment en raison de son habitude de récompenser les élus et candidats favorables à ses idées tout en «punissant» les autres.

De plus, arguent certains, de par son travail intense de pression, l'AIPAC ne fait que renforcer le cliché du tout-puissant lobby juif.

Or, clament ces critiques, on peut très bien être Américain, Juif, et ne pas être partisan de l'AIPAC.

À l'image de Hanna King, 17 ans, qui, avec d'autres, a battu le pavé cette semaine lors du congrès de l'AIPAC pour protester contre ce qu'elle appelle une organisation de droite «qui fait honte».

À l'AIPAC, on balaye ces critiques du revers de la main. «Si vous n'avez pas d'ennemis, cela veut bien dire que vous ne faites rien d'important», explique un interlocuteur proche de l'AIPAC, sous couvert d'anonymat.