Le nouveau livre de Jerome Corsi ne paraîtra pas avant le 17 mai, mais il s'est déjà hissé au sommet de la liste des titres les plus populaires du site Amazon.com, où les internautes peuvent réserver leurs exemplaires depuis la semaine dernière. Son titre, traduit en français, soulève pourtant une question dont la réponse ne devrait plus faire aucun doute dans l'esprit des Américains: Où est l'acte de naissance?: Le dossier de l'inéligibilité du président Obama.

Corsi n'en est pas à son premier ouvrage diffamatoire ou fabulateur. En 2004, il avait cosigné Inapte au commandement, livre foisonnant d'allégations mensongères sur le passé militaire de John Kerry, qui briguait alors la présidence. Et le voici qui récidive en exploitant une controverse qui ne veut pas mourir au sujet des origines de Barack Obama.

Où est l'acte de naissance du 44e président? C'est la question préférée des birthers, nom donné à ceux qui prétendent que Barack Obama n'est pas né aux États-Unis, ce qui lui interdirait d'être à la Maison-Blanche. George Stephanopoulos, animateur de l'émission Good Morning America, y a répondu mercredi dernier en montrant le fameux document à la représentante républicaine du Minnesota Michele Bachmann, candidate potentielle à la Maison-Blanche, qui avait auparavant flirté avec la thèse des birthers.

«Ça règle la question», a-t-elle fini par dire en voyant l'acte de naissance de Barack Obama, qui avait déjà été rendu public par l'ancien sénateur de l'Illinois lors de sa campagne présidentielle de 2008 de même que par le site FactCheck.org.

Mais il y a lieu de croire qu'aucun document ne réglera cette question. Plus de deux ans après l'arrivée de Barack Obama à la Maison-Blanche, une pluralité de républicains (45%) croient encore qu'il est né à l'étranger, selon un sondage The New York Times/CBS News publié vendredi. Quelques jours auparavant, un autre baromètre indiquait que cette opinion était partagée par 51% des républicains de l'Iowa, État où devrait avoir lieu le premier rendez-vous électoral de la campagne présidentielle de 2012.

Les birther bills

Ces résultats expliquent en partie la montée dans les sondages de Donald Trump, autre candidat potentiel à la présidence, qui a rallumé récemment la controverse entourant le lieu de naissance de Barack Obama. Ils expliquent aussi la prolifération dans plusieurs États conservateurs des soi-disant birther bills, ces projets de loi qui prévoient demander aux candidats présidentiels d'apporter la preuve de leur naissance aux États-Unis.

La gouverneure républicaine d'Arizona Jan Brewer a causé une certaine surprise la semaine dernière en opposant son veto à une telle mesure. Mais l'Oklahoma pourrait devenir cette semaine le premier État à promulguer une loi inspirée par les birthers.

Mais comment expliquer ce refus de reconnaître que Barack Obama a bel et bien vu le jour à Honolulu, dans l'État d'Hawaii, comme l'indique son acte de naissance? Plusieurs partisans de Barack Obama n'y voient rien de plus que du racisme. De son côté, Larry Sabato, politologue américain bien connu, préfère parler d'une «opposition pure et dure» qui se cache selon lui derrière la théorie de conspiration.

«C'est une tentative de la part de ceux qui sont encore choqués par l'élection d'Obama de nier la légitimité de ce qu'il a fait sans avoir à débattre des détails de ses politiques. C'est le produit de l'intense polarisation que nous voyons dans la politique et la culture américaines», a-t-il confié à La Presse.

Double langage

Le politologue de l'Université de Virginie souligne que plusieurs dirigeants républicains ont tenu un discours ambigu sur la controverse afin de ne pas s'aliéner une partie de leur électorat. Mais le gagnant éventuel de l'investiture républicaine pour l'élection présidentielle de 2012 ne pourra se permettre d'entretenir un tel flou politique, selon lui.

«Pour être pris au sérieux, il devra annoncer sans équivoque sa conviction que Barack Obama est né en Hawaii», a-t-il affirmé.

Mitt Romney et Tim Pawlenty font partie des candidats potentiels républicains qui ont déjà passé ce test. En revanche, Sarah Palin a illustré le double langage que tiennent certaines têtes d'affiche républicaines. Tout en jurant ne pas douter du lieu de naissance de Barack Obama, elle a salué récemment la décision de Donald Trump de retenir les services d'enquêteurs «pour savoir pourquoi le président Obama a dépensé 2 millions de dollars afin de ne pas avoir à dévoiler son acte de naissance».

Barack Obama n'a jamais dépensé cette somme d'argent à une telle fin, mais ce mythe cher aux birthers se retrouvera sans doute dans le nouveau livre de Jerome Corsi.