Troy Davis, un condamné à mort noir américain dont la culpabilité est mise en doute, va recevoir une nouvelle date d'exécution après que la Cour suprême a rejeté lundi ses derniers recours pour prouver son innocence.

Âgé de 42 ans dont 20 dans le couloir de la mort de Géorgie, Troy Davis est présenté par de nombreuses personnalités comme le prototype du Noir innocent jeté dans la machine infernale de la justice raciste du Sud des États-Unis, jusqu'à payer de sa vie pour le meurtre d'un policier blanc.

«Il semble que le système judiciaire se sente très à l'aise pour exécuter quelqu'un lorsqu'il subsiste des doutes sur sa culpabilité», a immédiatement réagi Laura Moye, directrice de la lutte contre la peine de mort chez Amnesty international.

«Il serait impossible aujourd'hui pour un jury de déclarer Troy Davis coupable avec les éléments présents dans le dossier», a-t-elle déclaré à l'AFP.

Une date d'exécution pourrait être fixée dans les deux semaines à venir, a-t-elle précisé. Mais l'injection mortelle pourrait être repoussée, l'État de Géorgie, comme d'autres aux États-Unis, étant en rupture de stock de l'anesthésiant utilisé pour endormir les condamnés avant d'administrer les produits mortels.

Mi-mars, la police anti-drogue a saisi tous les stocks d'anesthésiant thiopental de Géorgie, au motif de leur provenance douteuse, interrompant de fait toute exécution.

Mais sur le fond, seul le comité des grâces peut encore épargner le condamné en commuant sa peine en prison à vie sans possibilité de sortie.

L'affaire remonte à 1989, lors d'une bagarre sur le parking d'un fast-food à Savannah. Un jeune policier, Mark McPhail, en repos, était intervenu dans une bagarre et avait reçu une balle mortelle.

Neuf témoins ont désigné à l'époque Troy Davis, alors âgé de 19 ans, comme l'auteur du coup de feu. L'arme du crime n'a jamais été retrouvée, aucune empreinte digitale ou ADN n'ont été relevées sur les lieux, et les faits se sont déroulés dans le noir.

Depuis, sept témoins sont revenus sur leurs déclarations, dont certains ont désigné un autre tireur, et Troy Davis a échappé à trois exécutions, une fois quelques heures seulement avant l'injection mortelle.

Un cas emblématique

Le cas de Troy Davis est emblématique à plus d'un titre. Il illustre notamment combien le système judiciaire américain rend la tache difficile à ceux qui ont déjà été condamnés dans des affaires n'incluant pas la preuve irréfutable de l'ADN mais au contraire le souvenir de témoins, que tous les spécialistes savent relatif.

Concrètement, à défaut de pouvoir prouver qu'il ne serait plus condamné aujourd'hui, Troy Davis doit «prouver qu'il est innocent», rappelle Laura Moye.

À ce titre, la Cour suprême lui a offert la possibilité exceptionnelle, en août 2009, d'organiser une audience pour présenter les nouveaux éléments mettant en doute sa culpabilité.

Lors d'une audience à Savannah, inédite depuis le rétablissement de la peine de mort aux États-Unis en 1976, plusieurs témoins étaient venus raconter devant une salle comble comment la police les avait convaincus à l'époque de désigner le jeune Noir.

L'un ne savait pas lire et n'a pas pu vérifier le procès-verbal de sa déposition, un autre, en prison, a obtenu une remise de peine, un troisième, alors âgé de 16 ans, assure avoir été menacé par ses interrogateurs de poursuites pour complicité.

Mais ces témoignages n'ont pas convaincu le juge fédéral William Moore pour qui «si les nouveaux éléments apportés par M. Davis jettent un doute minimum sur sa culpabilité, il s'agit essentiellement d'un écran de fumée». Il a notamment reproché au condamné de ne pas avoir cité à comparaître un des témoins qui l'avait pointé du doigt à l'époque et qui aurait ensuite confessé être le tireur.