Le Congrès américain a débattu de la menace terroriste que représenterait la radicalisation de l'islam américain lors d'une audition à la Chambre qui avait provoqué, avant même sa tenue, un débat national sur les risques d'amalgames après le 11-Septembre.

«J'ai conscience du fait que l'annonce de l'organisation de cette audition a provoqué un large débat et déclenché des oppositions», a déclaré en ouverture le représentant républicain Peter King, maître d'oeuvre de cette audition et de celles qui doivent suivre devant la commission pour la Sécurité intérieure, intitulées «L'étendue de la radicalisation de la communauté musulmane américaine et la réponse de cette communauté».

Devant l'avalanche des protestations, émanant des démocrates, y compris au sein même de la commission, mais aussi des organisations de défense des libertés ou de responsables religieux, il a rejeté «la rage et l'hystérie».

«Nous devons être pleinement conscients que la radicalisation +made in USA+ fait partie de la stratégie d'Al Qaïda pour continuer d'attaquer les États-Unis», a-t-il affirmé.

La plupart des invités, élus ou membres de la société civile, ont abondé dans le sens d'un nécessaire soutien à donner à la communauté musulmane aux États-Unis pour freiner les dérives extrémistes.

Selon un sondage du Pew research Center publié jeudi, 40% des Américains estiment que l'islam encourage davantage la violence que les autres religions alors qu'ils étaient seulement 25% à le penser en 2002.

Voix dissonante parmi les intervenants, le représentant démocrate du Minnesota Keith Ellison a rappelé que, si la menace islamiste est réelle, il n'est est pas moins nécessaire de «mener une enquête minutieuse et juste qui ne cause pas de préjudice». «Une audition comme celle-ci part du principe que la communauté musulmane dans son entier doit porter la responsabilité» de l'action de quelques-uns, a-t-il déploré.

L'élu, lui-même musulman, a évoqué, en pleurant, un jeune secouriste musulman mort dans le World Trade Center le 11 Septembre 2001, «un Américain qui a donné sa vie pour des Américains».

«Je crois vraiment que cette série d'auditions fournira au Congrès un point de départ pour un nouveau dialogue afin de combattre l'extrémisme et la radicalisation», lui a rétorqué le représentant conservateur Frank Wolf. Il a ensuite repris à son compte la virulente attaque de M. King contre la principale organisation représentative de la communauté musulmane aux États-Unis, CAIR, qu'il a accusée de collusion avec des organisations terroristes.

Plusieurs témoins ont raconté leur expérience personnelle des dangers de la radicalisation. Melvin Bledsoe a retracé comment son fils, Carlos, s'est converti à l'islam à 19 ans et est tombé dans le terrorisme jusqu'à tuer un soldat américain. «Les États-Unis sont restés sans rien faire» contre les dangers du «lavage de cerveau extrémiste», a-t-il estimé.

À l'inverse, le shérif du comté de Los Angeles, Leroy Beca, a rappelé que la communauté musulmane jouait un rôle décisif pour déjouer «des dizaines de complots terroristes» sur le sol américain.

Une cinquantaine de responsables religieux de toutes confessions, ont appelé jeudi dans une lettre le Congrès «à ne pas agir contre un seul groupe, injustement objet de calomnies, mais contre toutes les formes de violence et d'extrémisme qui mettent en danger (la) sécurité» du pays.

En ouverture de l'audition, le réprésentant démocrate Bennie Thompson, avait pressé M. King «de convoquer une audition sur les groupes anti-gouvernementaux et les partisans de la suprématie blanche, puisque la mission de cette commission est d'étudier les menaces pesant sur (la) sécurité» américaine.

Abondant dans son sens, la réprésentante démocrate Sheila Jackson Lee a estimé que «cette audition fait le lit d'Al Qaïda à cet instant même, partout dans le monde».