Barack Obama réagit pour l'heure prudemment aux violences en Libye, une attitude critiquée aux États-Unis, mais qui pourrait s'expliquer par la présence de centaines d'Américains dans le pays.

Le président américain doit s'exprimer pour la première fois mercredi ou jeudi, prenant le relais de sa secrétaire d'État, Hillary Clinton.

Celle-ci a réclamé l'arrêt du «bain de sang», mais a évité de commenter la diatribe incendiaire du colonel Kadhafi mardi. Mercredi encore, le porte-parole du département d'État, Philip Crowley, a dit ne pas vouloir qualifier le discours.

Le contraste est vif avec la consternation et l'horreur exprimées par plusieurs dirigeants européens, la chancelière allemande Angela Merkel en tête.

Le fait que l'administration ne mentionne pas personnellement Mouammar Kadhafi dans ses discours tranche aussi avec les appels pressants -et publics- lancés à l'ex-président égyptien Hosni Moubarak, il y a quelques semaines à peine.

Mme Clinton a aussi souligné que la sécurité des Américains présents en Libye - environ 650 citoyens, ainsi qu'une cinquantaine de diplomates et membres de leurs familles était la «première priorité» de l'administration, suggérant que cet aspect guidait sa réponse relativement mesurée.

Après deux jours d'attente, un certain nombre d'Américains ont commencé à embarquer mercredi sur un ferry qui devait appareiller pour Malte, ce qui pourrait préparer un changement de ton.

Pressé de questions, M. Crowley a reconnu que «toute une gamme d'outils» étaient disponibles dans le dossier libyen, y compris des «sanctions».

À ce stade pourtant, les analystes décrivent une administration qui semble douter de sa capacité à influer sur la situation, bien que le passé ait prouvé que Mouammar Khadafi pouvait être sensible aux arguments de l'Occident.

En 2004, quinze ans après l'attentat qui avait provoqué la chute d'un Boeing américain à Lockerbie en Écosse, le dirigeant libyen avait ainsi renoncé aux armes de destruction massive et au terrorisme, en échange d'une promesse de normalisation des relations avec les États-Unis.

L'expert conservateur Elliott Abrams, du Conseil des relations étrangères (CFR), s'impatiente et propose des mesures concrètes, telles que l'exclusion de la Libye du Conseil des droits de l'homme de l'ONU, le blocage de comptes bancaires, ou encore le fait de signifier à Moussa Koussa, le ministre libyen des Affaires étrangères, qu'il paiera personnellement le prix fort si du sang américain coulait à Libye.

La prudence de l'administration est également épinglée par l'ex-candidate à la vice-présidence Sarah Palin, égérie de la droite du parti républicain.

«Les États-Unis ne peuvent pas faire grand-chose pour changer la situation» en Libye, affirme pourtant à l'AFP Marina Ottaway, de la fondation Carnegie.

L'analyste estime que le relatif manque de vigueur de la réaction américaine doit être replacé dans le contexte de l'agitation généralisée du monde arabe.

«Si les États-Unis appellent à renverser Khadafi, on leur demandera pourquoi ils n'en font pas autant à Bahreïn, ou vis-à-vis du président Saleh au Yémen», dit-elle.

L'imposition d'une zone d'exclusion aérienne, qui empêcherait l'aviation de Khadafi de bombarder sa propre population, figure parmi les pistes évoquées à Washington. Mais même les promoteurs de cette idée reconnaissent que convaincre le Conseil de sécurité de l'ONU, puis l'Otan, prendrait du temps.

Quant à des sanctions, Marina Ottaway n'y croit pas: «Les sanctions, quand elles marchent, ont un impact sur le très long terme. Dans un cas comme celui-ci, qui va sans doute trouver une issue dans les quinze jours à venir, les sanctions ne changeraient rien».