Le premier détenu de Guantanamo jugé devant un tribunal de droit commun, Ahmed Ghailani a été condamné mardi à la prison à vie sans possibilité de libération conditionnelle pour son rôle dans deux attentats contres des ambassades américaines en Afrique de l'Est en 1998, au grand soulagement de l'administration Obama pour qui il s'agissait d'un test.

Le Tanzanien âgé de 36 ans avait été acquitté en novembre de 285 des 286 chefs d'accusation qui pesaient contre lui. Il avait été déclaré coupable du seul chef de «complot pour détruire des biens américains».

Mais le juge fédéral de New York, Lewis Kaplan, a estimé mardi que «M. Ghailani savait et a délibérément agi dans le but de faire des morts». «Il s'agit de justice aujourd'hui, pas seulement pour M. Ghailani mais pour les victimes de ses crimes», a-t-il ajouté.

Les attentats simultanés contre les ambassades américaines du Kenya (à Nairobi) et de Tanzanie (à Dar es Salam) en 1998 avaient fait 224 morts dont 12 Américains.

«La peine prononcée aujourd'hui démontre encore une fois l'efficacité du système judiciaire américain dans les affaires de terrorisme», a immédiatement réagi le ministre américain de la Justice Eric Holder, en référence au choix de l'administration Obama de juger M. Ghailani devant un tribunal fédéral à New York et non un tribunal militaire d'exception, à Guantanamo.

L'opposition républicaine refuse de voir des détenus de Guantanamo jugés sur le sol américain et a bloqué tout transfert après celui de M. Ghailani à New York en juin 2009. La fermeture de Guantanamo ordonnée par Barack Obama pour le 22 janvier 2010 a été reportée sine die.

L'administration Obama a notamment dû renoncer il y a un an à juger les cinq hommes accusés d'avoir organisé le 11-Septembre devant un tribunal de droit commun à Manhattan, devant l'opposition des élus locaux, y compris des démocrates.

La condamnation de M. Ghailani à la peine maximale qu'il encourait arrive donc comme un soulagement pour l'administration après la surprise de son acquittement quasi-complet.

«Des centaines de personnes ont été condamnées par des tribunaux fédéraux pour des faits de terrorisme depuis le 11 septembre 2001», a insisté M. Holder dans un communiqué, en précisant que l'administration «utiliserait tous les outils à sa disposition» pour continuer à obtenir des condamnations pour terrorisme.

Dans l'immédiat, depuis l'arrivée de Barack Obama à la Maison-Blanche, seuls deux autres détenus de Guantanamo ont fait l'objet d'un procès devant un tribunal militaire d'exception.

La semaine dernière, le juge Kaplan avait rejeté une demande des avocats d'Ahmed Ghailani de prononcer son acquittement complet ou d'organiser un nouveau procès au motif que la thèse du ministère public s'était effondrée avec le verdict.

Mardi, il a à nouveau rejeté l'appel à la clémence des avocats de la défense, notamment parce que leur client a fait l'objet de séances d'interrogatoire musclées entre son arrestation en 2004 et sa réapparition à Guantanamo en septembre 2006.

Ces interrogatoires menés dans des prisons secrètes de la CIA ont été depuis officiellement assimilés à de la torture.

«Pour chaque heure de douleur et de souffrance», qu'il a enduré, «il a causé mille fois plus de douleur et de souffrance», a déclaré le juge qui avait pourtant provoqué un coup de théâtre à l'ouverture du procès en octobre en déclarant non recevable la déposition d'un témoin à charge parce que les autorités américaines avaient eu connaissance de son existence pendant une séance de torture.