Le nombre de condamnations à mort et d'exécutions a continué de baisser en 2010 aux Etats-Unis où l'ancrage de la peine de mort dans les mentalités semble céder du terrain aux doutes sur son efficacité comme sur son coût.

Quarante-cinq hommes et une femme ont été exécutés en 2010 aux États-Unis, soit 12% de moins qu'en 2009 et moitié moins qu'il y a dix ans, selon le rapport annuel publié mardi du Centre d'information sur la peine de mort (DPIC), qui fait autorité sur le sujet.

Parallèlement, le nombre de condamnations à mort est resté stable par rapport à l'année dernière, avec 114 sentences prononcées contre 112, mais dégringole de 64% par rapport à 1996.

«Que ce soit les préoccupations sur le coût très onéreux de la peine de mort au moment où les budgets des États sont grevés, ou sur les risques d'exécuter un innocent, ou encore les inégalités, le pays continue de se détacher de la peine de mort en 2010», s'est félicité Richard Dieter, directeur du DPIC.

Anesthésiant en rupture de stock

Les tendances générales restent les mêmes: le Texas (sud) est loin en tête avec 24 exécutions en 2010, la Californie (ouest) continue de battre les records de condamnations à mort (29 en 2010) sans avoir exécuté personne depuis cinq ans et l'écrasante majorité des exécutions et des sentences interviennent dans des États du Sud des États-Unis.

Faits plus rares cette année, Ronnie Gardner a choisi de mourir sous le feu d'un peloton d'exécution dans l'Utah (ouest) et une femme, Teresa Lewis, a reçu l'injection mortelle en Virginie (est) malgré ses déficiences intellectuelles.

L'année 2010 a également été marquée par une situation inédite dans l'histoire moderne de la peine de mort aux États-Unis: l'anesthésiant thiopental, validé par la Cour suprême pour endormir les condamnés avant de leur administrer les deux produits mortels est en rupture de stock depuis la fin de l'été et au moins jusqu'à début 2011.

Certains États ont reporté leurs exécutions mais d'autres ont usé du système D. Le 14 octobre, l'Oklahoma a emprunté une dose à l'État voisin de l'Arkansas (sud) et le 16 décembre, il a troqué le thiopental pour du pentobarbital, un anesthésiant utilisé pour euthanasier les animaux.

Quant à l'Arizona, il a exécuté le 27 octobre un condamné à l'aide de thiopental importé et avec la bénédiction de la Cour suprême, en refusant jusqu'au dernier moment de divulguer l'origine du produit, qui s'est révélé être la Grande-Bretagne.

Pour expliquer le recul de la peine de mort, le DPIC rappelle dans son rapport annuel un sondage qu'il a publié mi-novembre où 71% des personnes interrogées voyaient dans la possible innocence d'un condamné à mort la justification la plus criante d'une abolition.

Plusieurs scandales ont ainsi secoué le Texas cette année, dont le cas de Claude Jones, exécuté en 2000 sur la base d'un cheveu retrouvé sur la scène du crime et qui n'était pas le sien selon des tests ADN réalisés en 2010.

Mais le coût reste une des raisons les plus souvent invoquées pour expliquer que la population américaine se désintéresse davantage de la peine de mort.

«De nombreux États commencent à avoir un regard pragmatique sur la peine de mort et réfléchissent à son prix par rapport à son efficacité», explique le DPIC dans son rapport, en citant le même sondage où une majorité des personnes interrogées range la peine de mort au dernier rang des priorités qu'elles voudraient voir leur État adopter.

Au delà, selon M. Dieter, les mentalités changent vite. Lors des élections de novembre, «des candidats qui avaient émis des doutes sur la peine de mort ont été élus dans tout le pays», constate-t-il. «Être contre la peine de mort est une posture politique acceptable pour candidats et les élus», ajoute le spécialiste.