Une vingtaine d'experts internationaux de l'Afghanistan ont appelé samedi le président américain Barack Obama à changer de stratégie en négociant avec les talibans plutôt que de poursuivre des offensives militaires qui ne font qu'aggraver la situation selon eux.

«Nous vous demandons d'autoriser et soutenir un dialogue et des négociations directes avec le commandement des talibans afghans qui réside au Pakistan», écrivent 23 chercheurs, journalistes et dirigeants d'ONG spécialistes de l'Afghanistan dans une lettre ouverte à M. Obama publiée samedi.

La diffusion de cette lettre signée notamment par les chercheurs français Gilles Dorronsoro et italien Antonio Giustozzi et le journaliste pakistanais Ahmed Rashid, intervient quelques jours avant la publication par la Maison Blanche d'une évaluation de sa stratégie en Afghanistan.

Les auteurs, certains installés en Afghanistan et d'autres visiteurs réguliers, appellent M. Obama à un changement radical de stratégie.

«La guerre coûte aujourd'hui aux seuls États-Unis plus de 120 milliards de dollars (90 milliards d'euros) par an. Cela n'est pas soutenable à long terme. Et les pertes humaines augmentent», notamment côté occidental, soulignent-il.

«Malgré l'énorme prix payé, la situation sur le terrain est bien pire qu'il y a un an car la rébellion des talibans a progressé dans le pays. Les talibans sont aujourd'hui un mouvement national», qui, au delà de ses bastions du sud et de l'est, a désormais «une présence importante dans le nord et l'ouest».

Ils soulignent notamment l'échec des offensives militaires menées dans les bastions talibans du sud: «Ce qui était censé être une stratégie de ralliement de la population s'est transformé en une campagne militaire à grande échelle».

«À cause de la violence des opérations militaires, nous (y) perdons la bataille des coeurs et des esprits. Et les pertes rebelles sont compensées par des nouvelles recrues souvent plus radicales que leurs prédécesseurs».

Les offensives ne font que «supprimer, localement et temporairement, les symptômes de la maladie, mais n'arrivent pas à la soigner», soulignent ces experts qui en concluent qu'«étant donné le soutien actif du Pakistan aux talibans, il n'est pas réaliste de parier sur une solution militaire».

Quant à l'objectif occidental de transférer aux forces afghanes la responsabilité de la sécurité du pays d'ici la fin 2014, il n'est «pas réaliste» vu la faiblesse de l'État dans bien des districts, notent-ils.

Ils ne voient d'autre solution pour les Occidentaux que de «trouver un accord» avec le commandement taliban -d'autant plus que celui-ci a selon eux «affiché une volonté de discuter»- qui permettrait aux Américains «de se retirer tout en préservant leurs légitimes intérêts sécuritaires».

«Contrairement à ce que certains peuvent penser, les talibans pensent plus à l'avenir de l'Afghanistan qu'au jihad (guerre sainte) global, et leurs liens avec Al Qaïda, qui n'est plus en Afghanistan, sont faibles», estiment-ils.

Et mieux vaut ne pas attendre pour entamer ces discussions car «les talibans seront encore plus forts l'an prochain», concluent ces experts.

Les talibans ont officiellement jusqu'ici refusé toute négociation de paix avec les Occidentaux tant que ceux-ci n'auront pas retiré la totalité de leurs quelque 140 000 soldats, aux deux tiers américains, déployés dans le pays.