Les Américains ont accepté sans trop broncher de patienter dans de longues files, de jeter leurs bouteilles d'eau ou de parfum à la poubelle et de se déchausser avant de franchir les détecteurs de métaux dans les aéroports de leur pays. Après tout, ne doivent-ils pas endurer quelques inconvénients afin de voyager en sécurité dans l'après-11 septembre 2001?

La réponse semblait évidente jusqu'à ce que l'administration de la sécurité des transports (TSA) mette en application de nouveaux contrôles dans les aéroports comprenant des scanners corporels et des fouilles au corps plus que pointilleuses. Trois semaines plus tard, les États-Unis sont le théâtre d'un mouvement de contestation contre ces mesures qui a son héros, John Tyner, informaticien de 31 ans, et son slogan, «Don't Touch My Junk», que l'on pourrait traduire par «Touche pas à mes bijoux de famille».

C'est à peu près ce que Tyner a déclaré le samedi 13 novembre à un agent de la TSA. Celui-ci venait de lui décrire la palpation «renforcée», y compris de ses parties intimes, qu'il devait subir en raison de son refus légal de se soumettre à un des scanners corporels de l'aéroport de San Diego.

«Si tu touches à mes (bijoux de famille), je te fais arrêter», a déclaré Tyner à l'agent de la TSA, tout en filmant discrètement la scène avec son téléphone portable.

L'agent de la TSA a aussitôt appelé un superviseur, qui a convaincu Tyner de rentrer sagement chez lui à la suite de son refus de se plier aux nouveaux contrôles. Peu après son retour à la maison, l'informaticien a publié sur son blogue la vidéo de sa confrontation avec l'agent de la TSA, vidéo qui a connu un succès viral sur l'internet et cristallisé la colère de plusieurs Américains à l'égard des scanners et des fouilles au corps assorties d'une palpation «renforcée».

La controverse ne pouvait tomber à un pire moment pour la TSA, qui devra affronter cette semaine une hausse de fréquentation liée au congé de Thanksgiving. Comme si cela ne suffisait pas, un mouvement de boycottage des scanners corporels, lancé sur l'internet et baptisé «National Opt-Out Day», doit avoir lieu la veille de cette fête, mercredi, qui est l'une des journées les plus occupées de l'année dans les transports aux États-Unis.

Les participants au mouvement sont appelés à refuser de se soumettre aux scanners, histoire de causer des délais en forçant les agents de sécurité à multiplier les fouilles au corps.

Devant les tribunaux

Divers groupes et individus ont également déclenché une bataille juridique contre les scanners. Selon eux, ces équipements violent le quatrième amendement de la Constitution qui met les citoyens à l'abri des «perquisitions et saisies non motivées». Installés dans 65 aéroports américains, les scanners corporels permettent aux agents de la TSA de voir les parties génitales des personnes qui s'y soumettent.

La palpation renforcée a aussi engendré des poursuites contre la TSA. Une hôtesse de l'air de Caroline-du-Nord a notamment retenu les services d'un avocat après une fouille corporelle au cours de laquelle une agente de sécurité aurait mis la main sur son sein et demandé: «Qu'est-ce que c'est ça?»

«J'ai répondu: c'est une prothèse parce que j'ai eu un cancer du sein», a raconté l'hôtesse de l'air, Cathy Bossy, à une chaîne de télévision de Caroline-du-Nord.

L'agente de la TSA lui aurait répondu: «Eh bien, vous allez devoir me montrer ça.»

À Washington, la controverse autour des nouveaux contrôles a incité des élus républicains à réclamer la révision des efforts de la TSA pour améliorer la sécurité. Dans une lettre à l'administrateur de cette agence, John Pistole, les représentants John Mica et Thomas Mica ont jugé inefficace le fait de «considérer chaque passager comme un suspect ou un criminel».

Pistole a défendu les nouvelles mesures de sécurité en évoquant les informations que la TSA reçoit sur la façon dont Al-Qaïda et ses alliés veulent s'y prendre pour provoquer l'écrasement d'avions de ligne ou cargos.

Il a cependant dû reculer vendredi face à la rébellion des pilotes d'avions commerciaux, qui ont protesté contre le fait d'être soumis comme les passagers aux nouveaux contrôles plus serrés. Les pilotes auront donc droit à un processus accéléré.

Quant aux fouilles auxquelles les passagers doivent se soumettre, elles seront «aussi peu envahissantes que possible», a promis hier l'administrateur de la TSA dans un communiqué. Il reste à savoir comment cette concession se traduira dans la réalité.