Certains l'ont appelé le «Barack Obama des républicains»: jeune, beau, ambitieux, éloquent, issu de la classe ouvrière et membre d'une minorité ethnique qui s'est longtemps sentie sous-représentée aux États-Unis.

Avec l'élection, mardi, de Marco Rubio comme sénateur de la Floride, les démocrates seraient, selon certains observateurs, plus inquiets par cette étoile montante du Parti républicain que par n'importe quel autre candidat conservateur quand ils analysent la scène politique américaine dans la perspective de l'élection présidentielle de 2012.

Après que l'orchestre de salsa qui célébrait sa victoire mardi l'eut proclamé «Marco Rubio, président», le nouveau sénateur a livré un discours venu du coeur qui a poussé certains experts à travers le pays à s'asseoir et à prendre des notes. L'enfant chéri du Tea Party, âgé de 39 ans, a parlé avec émotion de sa jeunesse à West Miami en tant que fils d'exilés cubains qui ont subvenu avec peine aux besoins de leurs quatre enfants comme barman et femme de ménage.

Il a en particulier évoqué son père, Mario, mort il y a deux mois après une vie passée à s'assurer du succès de ses enfants plutôt que du sien.

«Il a été assez chanceux pour arriver ici aux États-Unis, mais il n'a jamais été en mesure de réaliser son propre rêve», a dit M. Rubio.

Nul doute, Marco Rubio a rendu son père fier de lui. Il a obtenu avec distinction son diplôme de droit de l'université de Miami en 1996 avant d'entrer en politique en 2000. En 2006, il est devenu le plus jeune président de toute l'histoire du Sénat de la Floride et le premier Latino-Américain à occuper ce poste.

M. Rubio a marié Jeanette Dousdebes, ancienne meneuse de claque des Dolphins de Miami d'origine colombienne, en 1997. Le couple, qui se fréquente depuis l'école secondaire, a eu quatre enfants.

Si certains entretiennent beaucoup d'espoir quant à l'avenir de M. Rubio, un observateur de longue date de la scène politique floridienne ne croit pas, lui, que le jeune sénateur soit une vedette en devenir.

Il ne croit pas non plus que le M. Rubio obtiendra automatiquement l'appui de hordes de Latino-Américains, l'un des groupes d'électeurs à la plus forte croissance aux États-Unis.

«Je trouve la comparaison avec M. Obama plutôt creuse», a estimé Daniel Smith, professeur de science politique à l'université de Floride.

«La question, c'est: est-il un politicien qui peut transcender la race et l'ethnicité? C'est difficile à dire, parce que la Floride est différente des autres États. Ici, les Latinos tendent à aimer les républicains, mais ce n'est pas souvent le cas dans les autres États, et il n'a rallié qu'environ 55% des Latinos en Floride. 45% d'entre eux ne l'ont pas aimé, et c'est assez considérable.»

Les Latinos sont motivés par certaines questions politiques, a dit M. Smith, et M. Rubio a été silencieux sur celles qui les intéressent le plus, en particulier la réforme de l'immigration.

«L'ethnicité n'est pas aussi importante que les principes et la politique des candidats pour la plupart des Latinos», a affirmé le professeur.

M. Rubio a été «aussi équivoque qu'un politicien peut l'être» au sujet de la controversée loi sur l'immigration adoptée par l'Arizona plus tôt cette année, a fait valoir M. Smith.

Il n'avait pas grand-chose à dire non plus sur la promesse faite par certains républicains de rouvrir le 14e amendement de la Constitution pour empêcher les enfants d'immigrants illégaux nés aux États-Unis d'obtenir automatiquement la citoyenneté américaine.

«Il n'est pas conforme à la frange du Tea Party, du moins pas maintenant, mais je soupçonne qu'il continuera de modérer ses réponses, et cela ne sera pas très bien perçu par de nombreux Latinos», a estimé M. Smith.

Les démocrates sont néanmoins conscients du changement démographique rapide aux États-Unis et craignent qu'un jeune père de famille cubano-américain ayant une histoire de vie inspirante puisse devenir irrésistible pour les électeurs latino-américains, dont le nombre ne cesse de croître.

À chaque cycle électoral, de 1,5 à 2 millions de Latinos s'ajoutent au nombre total d'électeurs, a indiqué Mark Hugo Lopez, du Pew Hispanic Center. Dix-neuf millions de Latino-Américains ont voté mardi aux élections de mi-mandat.

En plus de l'élection de M. Rubio, deux autres candidats républicains latino-américains ont remporté des postes nationaux. Le Nouveau-Mexique a élu sa première gouverneure latina, Susana Martinez, et Brian Sandoval est devenu le premier gouverneur latino du Nevada.

Mais malgré les triomphes républicains, les Latino-Américains continuent de voter massivement pour les démocrates, note M. Lopez. Les sondages de sortie des urnes menés mardi ont révélé que les démocrates avaient un avantage de près de deux pour un (64% contre 34%) sur les républicains à la Chambre des représentants parmi les électeurs hispaniques.

Dans les autres courses, les candidats démocrates ont rallié le vote latino, souvent par d'importantes marges.

«À travers le pays, les Latinos penchent pour les démocrates de façon prédominante», a indiqué M. Lopez. «En général, les Latinos tendent à voter sur des questions précises, et pas nécessairement pour un candidat.»

Néanmoins, Marco Rubio est sans conteste le républicain à surveiller dans les prochains mois. Les républicains sont évidemment ravis d'avoir une vedette dans les coulisses et ils ont choisi M. Rubio pour livrer le discours hebdomadaire du parti samedi.

Vendredi, le leader de la minorité républicaine au Sénat, Mitch McConnell, a fait l'éloge de M. Rubio en tant qu'incarnation du «message optimiste» du Parti républicain.

«Son conservatisme de principes et sa volonté de laisser un meilleur pays à nos enfants et petits-enfants a eu un impact puissant en Floride et à travers le pays.»