La communauté homosexuelle américaine restait sur ses gardes malgré l'autorisation historique d'une juge de laisser les gais servir ouvertement dans l'armée, qui a été encore une fois contestée mercredi par l'administration Obama.

Bien qu'opposée au tabou homosexuel dans l'armée, l'administration américaine a déposé mercredi un deuxième appel pour suspendre la décision de la juge de Los Angeles Virginia Phillips. Washington veut en effet que la loi soit abrogée non par la justice, mais par le Congrès.

Barack Obama avait promis en janvier qu'il abolirait cette loi. Accédant à sa demande, la Chambre des représentants a voté l'abrogation au mois de mai. Mais fin septembre, le Sénat a refusé d'ouvrir les débats sur la question, laissant à la justice la primeur d'une décision.

Le 12 octobre, la juge Phillips avait interdit au Pentagone d'appliquer la loi «ne rien demander, ne rien dire» (Don't ask, don't tell) qui oblige depuis 1993 les soldats gais à dissimuler leur homosexualité.

Dans une requête déposée mercredi devant la cour d'appel de San Francisco, l'administration demande «la suspension immédiate» de cette injonction.

«L'administration n'est pas favorable à la loi et est profondément convaincue que le Congrès devrait l'abroger», rappelle-t-elle dans sa requête. Mais «le ministère de la Justice, comme cela a toujours été le cas, défend la constitutionnalité des lois fédérales tant que celle-ci peut être raisonnablement défendue».

Parallèlement à la bataille menée devant les tribunaux, le Pentagone a commencé à se conformer à la décision de la juge Phillips en demandant à ses recruteurs d'examiner les demandes de candidats se présentant comme ouvertement homosexuels.

Mais les homosexuels ne se sont pas pour autant précipités pour s'engager.

«Pendant cette période d'incertitude, les militaires ne doivent pas révéler leur homosexualité et les candidats devraient prendre des précautions avant de signer», a recommandé mercredi dans un communiqué Aubrey Sarvis, directeur de l'association Service Members Legal Defense Network, favorable à l'abolition de la loi.

«Si vous révélez votre homosexualité aujourd'hui, cela pourra être utilisé contre vous à l'avenir par le Pentagone», a ajouté Aubrey Sarvis.

Cela n'a pas empêché Dan Choi de remplir dès mardi soir un formulaire pour s'enrôler. Cette figure de la communauté gaie et ardent opposant à la loi avait été renvoyée de l'armée pour avoir affiché son homosexualité,

Pour Aaron Belkin, directeur du Palm Center, un groupe de réflexion en Californie, Barack Obama a certes tort de ne pas «laisser mourir» la loi sur le tabou homosexuel mais «a de bonnes raisons pour continuer à faire appel».

«70% de la population est favorable à l'abolition de la loi (...) mais il y a un conflit d'intérêt car l'armée n'en veut pas», explique le spécialiste à l'AFP. Selon lui, le président américain a passé un accord avec le Pentagone pour préparer l'abrogation de la loi en amont, ce que cette injonction judiciaire l'empêche de faire.

«Il y a également un argument juridique selon lequel le ministère de la Justice se doit de défendre la constitutionnalité des lois», a assuré M. Belkin.

L'administration a déjà essuyé mardi le refus de la juge Phillips de suspendre sa décision le temps que la cour d'appel se prononce.

Elle insiste sur le manque de «préparation» de l'armée américaine et affirme que l'«intrusion non justifiée» de la justice dans les affaires militaires «risque de porter un préjudice important et immédiat à l'armée dans ses efforts pour préparer l'abolition en bonne et due forme de la loi».