Une juge fédérale américaine a classé mercredi la plainte des familles de deux détenus de Guantanamo morts en 2006 dans des circonstances présentées par l'armée comme des suicides simultanés malgré de nouveaux éléments remettant en cause cette thèse.

Dans sa décision, la juge Ellen Huvelle estime que «le caractère extrêmement perturbant des révélations figurant dans la plainte n'est pas une base suffisante» pour que celle-ci soit instruite.

Les famille du Saoudien Yasser Al-Zahrani et du Yéménite Salah Al-Salami, respectivement âgés de 22 et 33 ans, avaient demandé en mars à la juge de réexaminer leur plainte, à la lumière de nouveaux témoignages de militaires, dont un gradé, en poste dans la prison le soir du drame.

L'administration du président Barack Obama avait demandé le classement de la plainte.

Selon Joe Hickman, qui était de garde dans un mirador du camp où se trouvaient les cellules des deux hommes la nuit du 9 au 10 juin 2006, trois détenus ont été transférés vers un autre camp, appelé «"Camp non" car quand quelqu'un demande si ce camp existe, la réponse est "non"».

Il a ensuite attesté avoir vu un fourgon revenir et décharger quelque chose à l'infirmerie.

Le gradé a ensuite assuré que l'officier responsable du camp avait prévenu ses troupes le lendemain que la version officielle serait que les trois hommes avaient été retrouvés pendus dans leur cellule et avaient été transportés à l'infirmerie.

La famille du troisième détenu n'a pas porté plainte.

Dans sa décision mercredi, la juge Huvelle s'appuie sur une décision de la cour d'appel de Washington statuant que les décisions portant sur les conditions de détention à Guantanamo revenaient au seul Congrès et non aux tribunaux pour des raisons de sécurité nationale.

«La question présentée au tribunal n'est pas de savoir si un homicide dépasse les limites du comportement autorisé des gardiens dans le traitement des détenus aux mains des Etats-Unis, et suppose que des responsabilités soient établies, elle n'est non plus de savoir si les familles d'Al-Zahrani et d'Al-Salami méritent des dommages», écrit la juge. «Elle est de savoir qui doit décider d'accorder des dommages».

«La justice devrait enquêter sur la mort de mon fils et punir les coupables, M. Obama devrait défendre les droits de l'homme et les valeurs démocratiques que les Etats-Unis prêchent dans le monde, plutôt que de défendre devant les tribunaux les mensonges et les crimes épouvantables de l'administration Bush», a estimé dans un communiqué Talal al-Zahrani, le père d'un des trois morts.