Un de ses anciens conseillers l'a surnommé «le Dean Martin du Congrès» en raison de sa prédilection pour la cigarette, l'apéro de 17h et les complets bien taillés. Encore méconnu du grand public, John Boehner, fils d'un tenancier de bar de l'Ohio, pourrait bien devenir un des politiciens les plus puissants des États-Unis à la faveur des élections de mi-mandat. Mais sa première semaine sous le feu des projecteurs aura été éprouvante.

Tout compte fait, John Boehner aurait dû dénoncer son tabagisme dès la première question de l'animateur de l'émission Face the Nation, Bob Schieffer, sur ce sujet, dimanche dernier. Car son refus de maudire sa dépendance à la nicotine a conduit le journaliste de CBS, un survivant du cancer, à enchaîner avec une question renforçant non seulement sa réputation de gros fumeur mais également de grand ami de l'industrie du tabac.

«Vous avez reçu 340 000$ de l'industrie du tabac, qui a représenté au fil des ans la plus importante source de votre financement électoral. Comment conciliez-vous cela avec le fait que le tabagisme est la première cause de décès évitable dans ce pays?» a demandé Schieffer.

Diffusée à la veille de la rentrée parlementaire d'automne à Washington, l'entrevue du républicain d'Ohio John Boehner à CBS devait lancer sa campagne pour déloger la démocrate Nancy Pelosi à la présidence de la Chambre des représentants. Le chef de la minorité républicaine de cette assemblée atteindra peut-être son objectif, les élections de mi-mandat étant susceptibles de permettre à son parti de devenir majoritaire au Congrès américain.

Mais son face-à-face avec Bob Schieffer a illustré les difficultés auxquelles se heurte ce grand amateur de golf au bronzage perpétuel.

Réductions d'impôts

Dans une autre partie de l'entrevue, John Boehner a causé une surprise de taille en se disant ouvert à la position de Barack Obama sur une question qui divise démocrates et républicains, soit l'opportunité de renouveler ou non les réductions d'impôts consenties durant la présidence de George W. Bush aux contribuables gagnant 250 000$ et plus par an.

«Si la seule option que j'ai, c'est de voter en faveur d'une partie des réductions d'impôts, je le ferai», a-t-il déclaré.

Le lendemain, non seulement le chef de la minorité républicaine du Sénat, Mitch McConnell, a-t-il exclu la possibilité d'un tel compromis, mais le numéro deux des républicains à la Chambre des représentants, Eric Cantor, a également exprimé son opposition à tout rapprochement avec les démocrates sur cette question.

Critiqué au sein de son parti

Les mises au point de McConnell et Cantor donnent à penser que John Boehner ne doit pas seulement se méfier des démocrates à l'approche des élections de mi-mandat. Certes, ceux-ci ont déjà annoncé leur intention de le viser dans leurs publicités électorales, qui souligneront notamment la profondeur et l'étendue de ses liens avec les lobbys de l'industrie privée.

Mais John Boehner fait également l'objet de critiques au sein même de son parti. Vingt ans après avoir été élu pour la première fois à la Chambre des représentants, le républicain d'Ohio, qui a atteint l'an dernier la soixantaine, est loin de représenter le mouvement de contestation ou de colère qui pourrait transformer le paysage politique de Washington en novembre.

Et sa déclaration de dimanche dernier sur les impôts n'est pas de nature à rassurer les tenants de la droite ou les militants du Tea Party, qui le soupçonnent d'être trop enclin au compromis.

Ce trait de personnalité n'est sans doute pas étranger à son milieu d'origine. Élevé au sein d'une famille de 12 enfants dont la maison ne contenait qu'une salle de bains, John Boehner a vite appris les vertus de la conciliation.

John Boehner, conciliant? Nancy Pelosi et ses alliés démocrates répondraient sans doute en utilisant un mot qu'ils se plaignent d'avoir trop souvent entendu de la bouche du leader de l'opposition républicaine à la Chambre des représentants depuis janvier 2009: «Non.»