La publicité télévisée s'ouvre sur les mots «l'audace du djihad» écrits en lettres blanches sur fond noir. Suivent les images des avions s'encastrant dans le World Trade Center et de corps tombant des tours. Dans le même temps, une voix hors champ se fait entendre.

«Le 11 septembre, ils nous ont déclaré la guerre. Et pour célébrer le meurtre de 3 000 Américains, ils veulent construire une mosquée monstrueuse de 13 étages à Ground Zero. Cette mosquée est un monument à leur victoire. Et une invitation à d'autres», dit le narrateur sur un ton menaçant.

À la mi-juillet, deux chaînes de télévision américaines, CBS et NBC, ont refusé de diffuser cette pub, car elles jugeaient inacceptable l'amalgame entre les responsables des attentats contre le WTC et les promoteurs d'un centre communautaire musulman comprenant théâtre, piscine, gymnase et salle de prière, dont l'emplacement se trouve à deux blocs de Ground Zero.

Conçue par le National Republican Trust PAC, une organisation vouée à «la perpétuation de l'héritage de Ronald Reagan», la publicité controversée illustre la propension à l'islamophobie de plusieurs opposants à un projet qu'ils appellent abusivement la «mosquée de Ground Zero».

Il faut préciser que le projet de l'imam new-yorkais Faisal Abdul Rauf, reconnu pour son travail en faveur de la coexistence des religions, n'est pas le seul à susciter des réactions islamophobes ces jours-ci aux États-Unis. La construction de centres islamiques ou de mosquées dans certaines municipalités, dont Murfreesboro (Tennessee) et Temecula (Californie), suscite également une vive opposition qui confine parfois à l'intolérance ou à la haine.

«Ils détruisent la communauté. Ils détruisent le pays», a déclaré vendredi un des participants à une manifestation anti-mosquée à Temecula dont les organisateurs avaient encouragé les citoyens à défiler avec leurs chiens parce que les «musulmans haïssent les chiens».

Républicains

Le projet new-yorkais est cependant celui qui domine l'attention, non seulement à New York, mais également dans le reste des États-Unis. Ne craignant pas d'être associés à l'islamophobie ambiante ou de lui donner un vernis de respectabilité, plusieurs politiciens républicains, dont deux candidats potentiels à la Maison-Blanche, Sarah Palin et Newt Gingrich, ont exprimé récemment leur opposition à la construction du centre communautaire musulman.

L'ex-candidate à la vice-présidence a ainsi appelé les «musulmans pacifistes» à «répudier» un projet dont elle a assimilé la réalisation à un acte violent. «Il poignarde les coeurs», a-t-elle écrit sur son compte Twitter. De son côté, l'ex-président de la Chambre des représentants a laissé entendre que les musulmans auront le droit de construire une mosquée près de Ground Zero lorsque les juifs ou les chrétiens pourront construire des églises et des synagogues en Arabie Saoudite.

Sarah Palin et Newt Gingrich ne nagent pas à contre-courant. À New York même, une majorité de citoyens sont opposés à «la mosquée de Ground Zero», selon au moins un sondage. Le candidat républicain au poste de gouverneur de l'État, Rick Lazio, en a pris bonne note et a mis au défi son adversaire candidat démocrate, Andrew Cuomo, de participer à un débat portant uniquement sur ce projet appelé Cordoba House.

Même en Caroline-du-Nord, un candidat républicain à la Chambre des représentants a admis obtenir un vif succès dans sa circonscription rurale grâce à ses dénonciations d'un projet qui a reçu l'appui de tous les responsables new-yorkais et de plusieurs religieux juifs et chrétiens. Après avoir évoqué l'idée d'une «mosquée» près de Ground Zero devant une foule de fermiers et d'anciens combattants, il a confié à un journaliste du New York Times : «La réaction a été unanime. Il y avait du dégoût et du dédain pour cette idée.»

Tournure inattendue

Le débat autour de la Cordoba House a pris une tournure inattendue vendredi lorsque la Ligue antidiffamation (ADL), une des plus importantes organisations de lutte contre l'antisémitisme et le racisme aux États-Unis, a annoncé son opposition au projet. Tout en dénonçant l'intolérance de certains opposants, l'ADL est arrivée à la même conclusion qu'eux : «Construire un centre islamique à l'ombre du World Trade Center» est une mauvaise idée.

Mais qu'en est-il des droits des citoyens musulmans ? Selon le directeur de l'ADL, Abraham Fox, ces droits ne sauraient avoir la prépondérance sur la douleur des proches des victimes du 11 septembre, dont plusieurs sont opposés au projet de l'imam Rauf. C'est un peu ce que disait Sarah Palin en comparant la Cordoba House à un coup de poignard dans le coeur.

Et les islamophobes de se féliciter de ces nouveaux et précieux appuis à leur cause.