Un homme exécuté et l'analyse ADN d'un cheveu qui pourrait le disculper: l'État du Texas qui détient tous les records en termes de peine capitale aux États-Unis, est à nouveau confronté cet été à une situation dérangeante qui pourrait révéler qu'il a mis à mort un innocent.

C'est la deuxième fois aux États-Unis que des tests ADN vont être pratiqués à titre posthume. En 2006, le gouverneur de Virginie (est) en avait ordonnés pour Roger Coleman, exécuté en 1992. Les tests avaient prouvé sa culpabilité.

Dans la nouvelle affaire suivie de près par les abolitionnistes, un juge fédéral a ordonné mi-juin que des tests ADN soient pratiqués sur un cheveu retrouvé sur la scène d'un crime, le meurtre d'un gérant de magasin en 1989. Ce cheveu avait été un élément clé ayant conduit à l'exécution en décembre 2000 de Claude Jones.

Après le scandale en septembre 2009 de la révélation de l'exécution d'un autre possible innocent, Todd Willingham, - scandale étouffé par le gouverneur républicain du Texas Rick Perry qui a opportunément remplacé les membres de la commission d'éthique sur le point de le disculper-, ce cheveu fait l'effet d'une bombe.

L'analyse au microscope du cheveu avait permis lors du procès en 1990 d'établir une comparaison satisfaisante avec ceux du condamné, prouvant qu'il était présent au moment des faits.

«Àl'époque, l'analyse des cheveux au microscope était largement acceptée comme valide mais aujourd'hui nous savons que c'est de la science d'apprenti sorcier», explique à l'AFP Steve Hall qui milite contre la peine de mort au Texas.

«Au moment où Claude Jones a été exécuté, le cheveu qui va aujourd'hui être testé, a été considéré comme l'élément clé prouvant sa culpabilité», ajoute Samuel Gross, professeur de droit à l'Université du Michigan.

«Les procureurs l'ont utilisé pour garantir au gouverneur, à l'époque George W. Bush, qu'il n'avait pas à s'inquiéter d'exécuter un innocent», assure-t-il.

Claude Jones n'a rien de la figure archétypale de l'innocent broyé par la machine judiciaire texane. Avant les faits qui ont abouti à son exécution, il avait été condamné à de multiples reprises pour des braquages et purgeait une peine de prison à vie pour le meurtre d'un de ses co-détenus.

Mais il a toujours affirmé être innocent du meurtre pour lequel il a été envoyé à la mort.

«Ils disent sans cesse que nous exécutons des innocents», s'agace Robert Blecker, professeur à l'École de droit de New York. «Les abolitionnistes seraient ravis, au-delà du descriptible, si l'innocence pouvait être montrée», poursuit ce spécialiste favorable à la peine de mort comme seul instrument de représailles aux meurtres les plus violents.

Tout en rappelant qu'il n'a jamais été prouvé aux États-Unis qu'un innocent avait été exécuté, il reconnaît que l'affaire est «troublante». Il affirme qu'il serait «horrifié» si les tests montraient par exemple que le cheveu appartient au complice de Claude Jones, témoin à charge lors du procès en échange d'une peine moins lourde, disculpant celui-ci.

Mais d'ici là, selon ces observateurs, l'État du Texas fera vraisemblement appel. Et s'ils ont lieu, les tests peuvent aussi prouver la culpabilité de Claude Jones ou montrer que le cheveu appartenait à un client sans lien avec le crime.

Dans ce dernier cas, «cela signifiera qu'il a été exécuté sans preuve fiable de sa culpabilité», analyse Sam Gross, et «cela constituerait un précédent efficace pour convaincre les juges de réexaminer des preuves après-verdict», une réalité rarissime aux États-Unis.

M. Gross estime néanmoins que cette découverte ne prouvant pas formellement l'innocence n'aura pas un grand avenir judiciaire. «On ne peut plus rien faire pour Claude Jones, il est mort», conclut-il.