La visite réussie à Washington du président russe Dmitri Medvedev a mis en valeur cette semaine les progrès de la relation russo-américaine en dépit d'écueils sérieux qui subsistent.

Les images de M. Medvedev et du président Barack Obama dans un restaurant de hamburgers, et leurs plaisanteries raillant le téléphone rouge, vestige de la Guerre froide, ont bien mis en scène la volonté de réchauffement des deux dirigeants, près de deux ans après la guerre russo-géorgienne.

Ces saynètes à l'intention des médias illustrent des «progrès réels» dans la relation, souligne pour Paul Saunders, analyste du Nixon Center.

Trois succès diplomatiques sont déjà venus sanctionner la décision de Barack Obama de faire «repartir de zéro» («reset» en anglais) les rapports entre Moscou et Washington après la guerre de Géorgie, durant l'été 2008.

Les deux pays ont d'abord conclu avec succès en avril la négociation d'un nouveau traité START de désarmement nucléaire.

Washington a aussi obtenu l'appui de Moscou à de nouvelles sanctions à l'ONU contre l'Iran, soupçonné de vouloir se doter de l'arme nucléaire sous couvert d'un programme civil.

Moscou a enfin accepté de coopérer à l'effort en Afghanistan, permettant le survol de son territoire par les avions américains et cessant d'objecter à l'utilisation de la base aérienne de Manas, au Kirghizstan.

Sur le plan économique, Dmitri Medvedev, qui veut promouvoir l'innovation en Russie, multiplie les appels du pied aux investisseurs américains.

Son déplacement mercredi à la Silicon Valley a été l'étape la plus significative de sa visite, avance même Stephen Sestanovich, expert du Conseil des relations étrangères (CFR).

M. Medvedev a aussi fortement relayé cette semaine l'impatience de la Russie d'être enfin admise au sein de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Il a enregistré l'appui renouvelé de Barack Obama.

Paul Saunders relève enfin que l'homme fort de Russie, l'ancien président et actuel Premier ministre Vladimir Poutine, «semble beaucoup plus adhérer au reset depuis deux mois que ce n'était le cas par le passé».

Mais cette adhésion est fragile, note l'expert, pour qui «une grande partie des progrès enregistrés doivent plus au changement des circonstances qu'à un changement des politiques».

La Russie est, en particulier, opposée à un élargissement de l'Otan à l'Ukraine et à la Géorgie, que Moscou considère dans sa sphère d'influence. Mais si ce projet n'est plus à l'ordre du jour, c'est parce que les Européens -et désormais le nouveau pouvoir ukrainien- n'en veulent pas non plus. Les Etats-Unis, eux, n'ont jamais dit renoncer à un élargissement de l'OTAN.

M. Obama a également repris, en l'adaptant, le projet de son prédécesseur George W. Bush de mettre en place une défense antimissile pour protéger les Etats-Unis. Mais la Russie a dit se réserver le droit de se retirer du traité START si elle se sentait menacée par ces systèmes.

La notion de sphère d'influence, à laquelle M. Obama est opposé, «est la principale question menaçant le reset», assure Stephen Cohen de la New York University.

Pour ce spécialiste, la guerre de Géorgie était ainsi avant tout une riposte de Moscou à l'Occident, accusé de rogner la sphère d'influence russe, sur un plan non seulement militaire, mais aussi économique.

L'entrée de la Russie dans l'OMC devrait être le prochain test du «reset». M. Obama souhaite voir la question réglée en grande partie d'ici le début de l'automne. Or «il reste beaucoup à faire» dans ce dossier, prévient Paul Saunders.