L'incapacité de British Petroleum à stopper la marée noire dans le Golfe du Mexique met sous pression l'administration Obama, soupçonnée par certains de manquer de fermeté envers le géant pétrolier. Mais les autorités américaines, si elles commencent à mettre en doute les compétences de BP, soulignent aussi ne pas disposer des moyens techniques nécessaires pour s'en passer.

Doug Suttles, le directeur général de l'exploitation de BP, a reconnu lundi que les habitants de la région et le gouvernement étaient «frustrés» devant l'échec des différentes solutions mises en oeuvre jusqu'à présent pour endiguer la fuite de pétrole et lutter contre la pollution.

Depuis l'explosion le 20 avril de la plate-forme Deepwater Horizon au large de la Louisiane, qui a tué onze techniciens, le pétrole se répand dans l'océan au rythme d'au moins 800 000 litres par jour. Il s'agit d'estimations officielles, largement en deçà de la réalité selon plusieurs spécialistes.

«Nous faisons tout ce que nous pouvons», a répété lundi Doug Suttles. Ce discours commence à devenir inaudible, souligne Mark Kellstrom, analyste du centre de recherche stratégique sur l'Énergie, un institut de réflexion. «Les commentaires, à Washington, sont de plus en plus nombreux pour dire que les politiques doivent exclure BP et que le gouvernement doit reprendre la main», résume-t-il.

C'est aussi l'avis du consultant politique démocrate James Carville, commentateur écouté qui fut le stratège de la campagne présidentielle de Bill Clinton. Natif de Louisiane, un des États les plus touchés par la marée noire, James Carville reproche à l'administration Obama sa gestion «nonchalante» du dossier et d'être «naïve» face à BP, qui cherche selon lui à faire avant tout «des économies».

«Il faut que quelqu'un aille les secouer (le gouvernement, NDLR), leur dire, "ces gens ne vous souhaitent pas de bien! Ils vont vous couler"», a-t-il récemment affirmé sur CNN. Pour James Carville.

Le ministre de l'Intérieur Ken Salazar s'est de son côté demandé ce week-end si BP savait exactement ce qu'il faisait. «Si nous nous rendons compte qu'ils ne font pas ce qu'ils sont supposés faire, alors nous les écarterons» des opérations, a-t-il menacé.

«C'est plutôt une métaphore», a commenté lors d'un point de presse à la Maison-Blanche lundi le patron des garde-côtes Thad Allen, chargé par les autorités fédérales de la supervision de la lutte contre la marée noire. «Écarter BP du chemin pose une question: les remplacer par qui?», s'est-il interrogé. Selon la loi, a-t-il noté, la responsabilité des opérations de nettoyage et de dépollution incombe à British Petroleum, sous supervision fédérale.

En outre, a-t-il poursuivi, la fuite de pétrole se trouve à 1 500m de profondeur. Seuls «BP ou le secteur privé ont les moyens de traiter le problème en bas. Ce ne sont pas des équipements du gouvernement qu'on va utiliser pour ça», a ajouté le commandant des garde-côtes.

Sur le plan technique, BP va tenter à partir de mercredi de « tuer le puits» en injectant un mélange de boue et de ciment. La manoeuvre, dont le groupe évalue les chances de réussite entre 60 et 70%, n'a jamais été tentée à une telle profondeur.

Doug Suttles affirme qu'en cas de nouvel échec, l'entreprise a plusieurs plans de secours dans ses cartons, dont l'injection dans le puits de débris divers, notamment morceaux de caoutchouc et balles de golf, pour tenter de l'obstruer.