Sa passion pour Bruce Springsteen ne fait aucun doute. Au fil des ans, le gouverneur du New Jersey, Chris Christie, a assisté à au moins 120 concerts du plus célèbre rocker de son État, entraînant sa femme avec lui la plupart du temps, y compris à chacune de ses quatre grossesses.

Au temps où il était procureur fédéral du New Jersey (de 2002 à 2008), le natif de Newark avait en outre l'habitude d'écouter des classiques comme Prove It All Night et Jungleland dans son bureau, avant ses plus importantes conférences de presse, histoire de se donner du courage. Et il a fini par se lier d'amitié avec Max Weinberg, batteur de l'E Street Band, le groupe de Springsteen.

Est-ce à dire que le successeur de Jon Corzine pourrait compter sur l'appui du Boss s'il se présentait un jour à la présidence des États-Unis, comme certains de ses admirateurs le souhaitent? La réponse est évidente pour tous ceux qui suivent un peu l'actualité du New Jersey: Chris Christie a beau aimer Springsteen, il est aux antipodes de son idole musicale sur le plan politique.

Ce qui n'empêche pas le républicain de 47 ans d'être un gouverneur rock'n'roll, un politicien audacieux - ses critiques préfèrent les épithètes téméraires ou irresponsables - dont l'indifférence pour sa réélection n'est peut-être pas feinte. Élu en novembre dernier à la tête d'un État au bord de la banqueroute, cet homme corpulent multiplie les coupes draconiennes dans les dépenses publiques (pour un total de 13 milliards de dollars, plus du tiers du budget de l'État, en l'espace de huit semaines), rejette d'emblée toute hausse des impôts (y compris pour les foyers gagnant plus de 400 000$ par an) et mène la vie dure aux syndiqués de la fonction publique, des employés des transports aux policiers en passant par les enseignants (il a comparé ces derniers à des revendeurs de drogue qui se servent des enfants pour parvenir à leurs fins).

Éloges conservateurs

Ses décisions et ses manières sont très loin de faire l'unanimité au New Jersey, État traditionnellement démocrate, mais elles lui valent l'attention et les éloges des médias et commentateurs conservateurs, qui sont toujours à l'affût de la prochaine étoile montante du Parti républicain (et d'un candidat susceptible de vaincre Barack Obama en 2012).

Chris Christie «est le gouverneur le plus intéressant du pays», a écrit récemment le chroniqueur du Washington Post George Will, en rappelant que le New Jersey avait les gouverneurs les plus puissants des États-Unis, des «César américains, en fait», qui peuvent souvent imposer leurs visées aux parlementaires de l'État.

Il est «la rock star inattendue» des conservateurs, a renchéri l'hebdomadaire The Weekly Standard, alors que son concurrent, National Review, a coiffé un éditorial sur lui de ce titre enthousiaste: «Viva Christie!»

«Chris Christie à la présidence?» Cette question, soulevée par le commentateur Marc Thiessen dans le Washington Post, n'est qu'un autre exemple de ce que certains appellent la Christiemania.

À la Schwarzenegger?

Le gouverneur du New Jersey pourrait évidemment connaître le même sort que celui de la Californie. Après avoir promis d'assainir les finances publiques de son État, le républicain Arnold Schwarzenegger a vu sa popularité chuter de façon spectaculaire au sein même de son parti, où les compromis auxquels il a dû consentir pour boucler les budgets de l'État ont suscité la colère (il a notamment dû se résigner à approuver des hausses d'impôts).

Mais l'heure des compromis n'a pas encore sonné au New Jersey, État où les impôts sont les plus élevés des États-Unis. Chris Christie mène notamment ces jours-ci un combat acharné pour obtenir un changement à la Constitution du New Jersey permettant de plafonner à 2,5% les hausses de l'impôt foncier de l'État, qui est également le plus élevé du pays.

Or, comme le gouverneur a besoin de la collaboration des parlementaires démocrates pour atteindre cet objectif, un journaliste lui a demandé, la semaine dernière lors d'une conférence de presse, s'il ne devrait pas adopter un ton moins agressif dans ses négociations avec l'opposition. Le clip de sa réplique a connu un succès instantané sur l'internet, contribuant à un regain de la Christiemania chez les conservateurs.

«Tu dois être le gars avec l'épiderme la plus sensible en Amérique», a dit Chris Christie au journaliste au début de sa réponse. «Si tu penses que mon ton est agressif, tu devrais me voir quand je suis vraiment fâché.»

L'histoire ne dit pas si le gouverneur du New Jersey avait écouté du Springsteen avant sa conférence de presse.