Pendant longtemps, Washington a cru que les talibans pakistanais n'avaient que des visées régionales, contrairement à Al-Qaeda, un de leurs alliés, dont la guerre sainte s'étend sur tous les continents. Cette conviction a été officiellement enterrée hier lorsque deux responsables du gouvernement américain ont accusé le mouvement extrémiste pakistanais d'avoir téléguidé l'attentat manqué à la voiture piégée à Times Square.

«Nous disposons désormais d'éléments montrant que les talibans pakistanais étaient derrière l'attentat», a déclaré le ministre de la Justice, Eric Holder, lors d'une entrevue à la chaîne ABC. «Nous savons qu'ils ont aidé aux préparatifs. Nous savons qu'ils ont vraisemblablement versé des fonds. Et qu'il travaillait sous leur direction», a-t-il ajouté en faisant référence à l'Américain d'origine pakistanaise Faisal Shahzad.

Interpellé le 3 mai, Shahzad aurait avoué aux enquêteurs avoir tenté de faire exploser un 4x4 bourré d'explosifs à l'angle de la 45e Rue et de Broadway à 18h30, le 1er mai. Le suspect de 30 ans aurait également admis avoir suivi une formation à la confection de bombes dans le Waziristan, zone tribale rebelle du nord-ouest du Pakistan.

Le Mouvement des talibans du Pakistan (Tehrik-e-Taliban Pakistan, TTP) est né en 2007 dans le Waziristan, où il forme des combattants qui participent à l'insurrection contre les forces américaines et internationales en Afghanistan. Le TTP a également perpétré plusieurs attentats au Pakistan même. Depuis le début de la présidence de Barack Obama, ses dirigeants et leurs alliés extrémistes, dont Al-Qaeda, sont la cible d'une intensification des tirs de drones (avions téléguidés) américains. Selon la presse américaine, Faisal Shahzad aurait invoqué ces attaques, qui font des victimes chez les civils, pour justifier son attentat.

Le conseiller antiterroriste du président Obama, John Brennan, a également montré du doigt les talibans pakistanais hier.

«Il semble que le Tehrik-e-Taliban porte la responsabilité de cet attentat», a-t-il déclaré en entrevue à la chaîne CNN.

Les autorités pakistanaises ont promis de collaborer à l'enquête sur l'attentat raté de Times Square, mais elles ne semblent pas encore être parvenues aux mêmes conclusions que les responsables américains quant à l'implication du TTP.

«Les Américains pensent que Shahzad s'est rendu dans le Waziristan du Sud et a rencontré Qari Hussain et Hakimullah Mehsud. Mais tout cela a besoin d'être confirmé», a déclaré samedi le ministre pakistanais de l'Intérieur, Rehman Malik, à des journalistes à Islamabad.

Hussain et Mehsud sont deux dirigeants du TTP. Le second, qui avait été donné pour mort par les Américains, est réapparu récemment dans des vidéos datées d'avril dans lesquelles il menace de frapper aux États-Unis.

Le TTP avait revendiqué l'attentat raté de Times Square dimanche dernier, avant de nier toute implication. De leur côté, les responsables américains avaient d'abord minimisé cette revendication, avant de laisser entendre qu'elle était «entièrement plausible».

Ce revirement aura un impact certain sur la façon dont Washington combattra la menace terroriste aux États-Unis. Selon le ministre de la Justice américain, les talibans du Pakistan ont désormais «non seulement l'objectif mais aussi la faculté» de commettre des attentats sur le territoire américain.

«Ils ont désormais une importance dans notre lutte antiterroriste», a-t-il dit.

L'attentat raté de Times Square soulèvera, d'autre part, la question de l'efficacité des tirs de drones américains. À Washington, on se félicite discrètement du succès de ces frappes, qui ont éliminé plusieurs dirigeants et combattants du TTP et d'Al-Qaeda. Mais ces attaques pourraient également avoir l'effet pervers de fournir aux extrémistes de nouvelles recrues. Faisal Shahzad semble avoir été l'un de ces terroristes en herbe.

S'il faut se fier à la presse américaine, Shahzad aurait également été radicalisé par Anwar al-Aulaqi, imam radical dont les prêches ont été vus sur les ordinateurs de plusieurs suspects dans des affaires de terrorisme en Amérique du Nord et en Grande-Bretagne. Né au Nouveau-Mexique de parents syriens, al-Aulaqi aurait aussi influencé le Nigérian Umar Farouk Abdulmutallab, auteur présumé de l'attentat manqué du 25 décembre contre un avion de ligne américain reliant Amsterdam à Detroit, et le psychiatre militaire américain Nidal Hassan, accusé d'avoir abattu 13 soldats de la base de Fort Hood le 5 novembre 2009.