Éclairer les foyers américains avec l'uranium des ogives nucléaires russes de la Guerre froide: c'est l'objectif du programme «De Mégatonnes à Mégawatts», un exemple réussi de non-prolifération nucléaire, signé pour vingt ans en 1994 entre la Russie et les États-Unis.

«De Mégatonnes à Mégawatts est le programme de non-prolifération nucléaire le plus réussi de l'histoire», assure Philip Sewell, vice-président de l'USEC, une compagnie privée américaine qui gère cet accord.

Au lendemain de la chute du Mur de Berlin et de l'effondrement du bloc soviétique, l'administration de George Bush père avait initié des négociations pour la destruction de stocks d'armes nucléaires démantelées en ex-Union soviétique.

En 1994, les États-Unis et la Russie sont tombés d'accord pour convertir 500 tonnes d'uranium hautement enrichi (HEU) en combustible faiblement enrichi (LEU) utilisable aux États-Unis.

L'accord a permis jusqu'ici de traiter l'équivalent de 15 000 ogives accumulées en Russie, en Ukraine et au Kazakhstan entre 1950 et 1987. À son terme en 2013, le programme aura traité l'équivalent de 20 000 têtes nucléaires.

«Cela représente une contribution significative à la paix tout en ayant produit sur 20 ans l'équivalent de ce qu'il faut d'électricité au monde pour six mois, aux États-Unis pour deux ans et à la France pour 15 ans», affirme Philip Sewell.

L'USEC, qui réalise 2 milliards de dollars de chiffre d'affaires annuel avec 3 200 employés dans le secteur de l'enrichissement d'uranium, concède ne faire qu'«un petit profit» de l'achat de ce combustible militaire aux Russes.

Sur vingt ans, l'opération aura représenté un budget de 8 milliards de dollars et aura rapporté aux Russes quelque 500 millions de dollars par an, remarque M. Sewell.

L'entreprise américaine paie pour le traitement de l'uranium, qui se fait en Sibérie et les longs cylindres d'une tonne et demie de nouveau combustible sont transportés par bateau de Saint-Pétersbourg vers le Kentucky (centre-est) où l'USEC a son usine de traitement.

L'USEC fournit ensuite ce combustible recyclé aux opérateurs des 104 réacteurs nucléaires américains.

Alors que se tient lundi et mardi à Washington un sommet sur la sécurité nucléaire, M. Sewell espère que ce programme, qui se termine dans deux ans, sera prolongé: «quoi qu'il arrive, nous sommes tout à fait prêts à continuer cette initiative».

Il laisse toutefois entendre que les réductions prévues dans le nouveau traité START, acronyme de «Strategic Arms Reduction Talks» (Pourparlers sur la réduction des armes stratégiques), signé à Prague vendredi, ne rempliront pas les besoins.

Pour remplacer cette source de matière première et anticiper la croissance du marché de l'énergie nucléaire, l'USEC est en train de développer dans l'Ohio (sud) une nouvelle technologie d'enrichissement d'uranium naturel, dite «American Centrifuge», un terrain sur lequel il va retrouver les groupes français Areva et anglo-néerlandais Urenco.