La vidéo confidentielle du Pentagone dépeignant la mort violente d'une douzaine d'hommes, dont deux journalistes de Reuters, aux mains des forces américaines en Irak a provoqué de vives réactions dans le monde entier, hier.

En Irak, l'association nationale des journalistes a condamné les agissements de l'armée et appelé le gouvernement irakien à déclencher une enquête sur l'incident.

 

«Il s'agit d'une attaque de plus qui s'ajoute aux crimes perpétrés par les forces américaines contre les journalistes et les civils irakiens», a déclaré le président de l'organisme, Mouyyad al-Lami.

Aux États-Unis, le Comité de protection des journalistes a exprimé son désarroi face à la vidéo sanglante, dévoilée lundi par le site WikiLeaks, et visionnée plus de 2 millions de fois sur YouTube depuis.

«La violence des images parle d'elle-même, et vient confirmer ce que nous affirmons depuis longtemps: qu'une enquête complète et transparente de cet incident doit avoir lieu.»

Le lieutenant-colonel Anthony Shaffer, professeur au Centre d'études sur la Défense, a dit hier que le Pentagone devrait ouvrir une enquête, pour envoyer le message que ces comportements ne sont pas acceptés. «Sinon, Al-Qaeda va continuer d'utiliser ces événements comme outils de recrutement», a-t-il dit. La vidéo montre une attaque d'un hélicoptère Apache de l'armée américaine sur un groupe d'hommes réunis à un coin de rue de Bagdad, le 12 juillet 2007.

On y entend les voix des militaires, qui croient voir un lance-grenades accroché à l'épaule d'un des hommes. Il s'agit de l'appareil photo de Namir Noor-Eldeen, 22 ans, photographe pour Reuters.

L'hélicoptère attaque le groupe. Onze personnes s'effondrent, dont M. Noor-Eldeen et son assistant, Saeed Chmagh.

«Regarde ces salauds morts», dit l'un des militaires. «Super. Bonne fusillade», répond un collègue.

Peu après, une camionnette arrive sur les lieux. Un homme sort et vient en aide aux victimes. L'hélicoptère tire sur lui et le tue. Deux jeunes enfants assis dans la camionnette sont blessés. Un des militaires s'exclame: «Eh bien, ce sont eux qui ont choisi d'amener leurs enfants à la bataille.»

On peut également entendre les militaires rire lorsqu'un véhicule de l'armée américaine roule sur l'un des cadavres.

Un reporter travaillant pour WikiLeaks, site indépendant spécialisé dans la diffusion de documents confidentiels, a déterminé que l'homme à la camionnette était un bon Samaritain qui conduisait ses enfants à des leçons privées.

Hier, le Pentagone n'a pas commenté la vidéo ou donné des indications sur son intenetion de rouvrir une enquête sur l'incident. Sous le couvert de l'anonymat, des officiers ont dit à divers médias que la vidéo était authentique.

Selon plusieurs experts, des crimes de guerre ont peut-être été commis dans cet incident. Une analyse juridique du New Yorker note que l'attaque contre l'homme qui vient en aide aux blessés contrevient à la convention de Genève.